je me suis trouvé désemparé face à ce protocole qui était appliqué, avec tous les doutes qui peuvent croquer dans la tête quand on n'est pas tout à fait au fait.

Est-ce qu'elle souffre ? Donc au moindre geste de sa part, le bras qui bougeait à peine, je me précipitais, je me demandais qu'est-ce qui se passait, si elle allait y revenir.

Et en même temps, je savais que si elle revenait, c'était moi demi-terme, mais comme un légume, il n'y avait plus rien, le cerveau était mort.

Et je me suis retrouvé face à ça, avec ce dilemme, de dire mais enfin, à quoi j'assiste ? Je suis un spectateur qui attend que sa mère décède, avec un protocole légal, médicalisé, qui pour moi était semblable à une torture.

Et moi j'en étais le complice involontaire, impuissant, à rien pouvoir faire, et puis vous ne comprenez plus rien.

Moi, c'est ce qui s'est produit, c'est le gros malson qui m'a emmené vers des méandres très sombres.

Bonjour à toutes et à tous.

La voix de Kuyen vient de passer dans vos oreilles.

Il a perdu sa mère en novembre 2019, au terme de 11 jours d'hospitalisation, provoqués par une infection sanguine.

11 jours pendant lesquels il s'est retrouvé en tête à tête avec elle, dans une chambre d'hôpital du service gériatrique où elle était accueillie.

Kuyen m'a confié que le moment l'a traumatisé et qu'en tant qu'aidant, il s'est senti bien seul dans cet hôpital où il n'a pratiquement pas vu de médecin.

Il en a d'ailleurs fait un livre ayant pour titre 11 jours sans fin.

Je suis Yoram Meloul et vous écoutez La voix des aidants, le podcast de la compagnie des aidants.

Aujourd'hui, nous allons essayer de mieux comprendre la relation entre les aidants et le personnel médical au moment de la fin de vie des seniors.

Pour cela, avec moi, Céline Martinez, psychologue clinicienne indépendante.

Bonjour Céline.

Bonjour.

Également autour de la table, Éric Carigère, médecin spécialiste des soins palliatifs et directeur médical dans un groupe de maisons de retraite.

Bonjour Éric.

Bonjour Yoram.

Alors Éric, la fin de vie, pour commencer très simplement, tu peux me dire exactement ce que c'est ou comment cette fin de vie ? Très concrètement, je répète à l'envie, depuis maintenant dix ans où je suis investi dans le secteur médico-social des EHPAD, comme on dit publiquement, je dis toujours à mes équipes que toutes les personnes qui rentrent, sauf exception, sont en fin de vie.

Au sens que la relation pour eux, du temps qu'il leur reste à vivre, est un temps différent des plus jeunes, même si c'est plus ou moins conscient.

Ce qui va les animer, et d'ailleurs ce qui va en faire la belle définition de la philosophie palliative avant des soins et des soins médicaux, c'est que ce qui prend sens dans cette finitude de l'existence, c'est qu'on raisonne plus en qualité du temps qui reste à vivre qu'en durée du temps à vivre.

On est d'une sorte, alors ça ne passe pas du jour au lendemain, si C.

D.

Sanders parlait de soins continus, il n'y a pas un jour, une heure où du curatif, on passerait au palliatif, de la vie ordinaire, on passerait à la fin de vie, mais on est bien dans ce continuum où progressivement, ce qui va animer, ce qui va faire sens, c'est véritablement la qualité du temps à vivre.

C'est un changement de modèle, finalement, d'une vie de projet.

Je reprends l'expression de l'ancien président du Conseil consultatif, c'est que l'important, c'est d'avoir une vie de projet et pas simplement un projet de vie.

Et quel que soit le temps qui nous reste à vivre, qui reste toujours incertain, bien habilement en tant que médecin, il faut que chaque jour fasse sens, évidemment pour la personne elle-même, pour les professionnels qui sont à leur chevet et évidemment, pour ce qui nous intéresse aujourd'hui, pour les familles qui les accompagnent.

Et on y reviendra peut-être, mais dans le témoignage, on pressent déjà un élément important, c'est qu'on n'a pas tous la même relation au temps.

Le temps du malade, le temps des proches, le temps des professionnels.

Et un des enjeux de notre réflexion ce jour, c'est justement de pouvoir faire concilier ce sens du temps qui reste à vivre.

On peut peut-être commencer par ça, le temps vu par les proches et le temps vu par la personne qui est en fin de vie.

Ce n'est pas le même ressenti.

Alors on est sur un sujet complexe, parce que Céline en parlera mieux que moi.

La mort et la vie, c'est un même enjeu.

La vie, justement, est humaine parce que nous sommes peut-être la seule espèce dont on en a conscience de notre finitude, dans une société qui a dénié la mort, qui a été remise au devant de la scène à travers la Covid.

Et regardez, je vais peut-être tirer le fil un peu loin, mais regardez la réforme des retraites qui passionne, et le mot est tout à fait adapté, les foules aujourd'hui.

Il y a un slogan qui m'a énormément frappé chez les syndicalistes.

On ne veut pas passer du boulot au caveau.

C'est-à-dire ce qui a manqué peut-être à nos gouvernants ces derniers temps, même si notre président a ressemblé à une culture à la base, c'est peut-être des psychanalystes, des philosophes, des psychologues pour conseiller nos gouvernants.

C'est-à-dire la Covid a rappelé au monde que nous étions mortels.

Parce que la Covid a quand même, dans sa première vague, tué énormément, a tué des gens à des âges où on pensait qu'on ne pouvait plus mourir.

On avait tous le fantasme que nous allions pouvoir devenir immortels, qu'on avait tous le droit à devenir centenaires, et que finalement, la mort, c'était toujours celle de l'autre, dans l'indifférence.

Vous avez imaginé, évidemment c'est une chance en humanité, mais vous avez parfois des personnes en Occident qui atteignent 70-80 ans qui n'ont jamais eu à accompagner un proche.

Et on a peur de ce qu'on ne connaît pas.

Et le grand enjeu aujourd'hui, c'est probablement de se réapprivoiser à la mort, non pas comme quelque chose de triste et de morbide, mais bien comme un rappel de vie.

Penser la mort sans traumatiser, c'est penser d'abord la vie et le temps à vivre.

On va essayer de rentrer dans le très concret.

Céline, pour cette fin de vie, selon toi, quelle est la place des aidants dans ce moment qui est finalement très spécifique ? À partir de l'annonce du diagnostic et cette dégradation, cette perte d'autonomie, l'aidant va avoir une présence compensatoire.

Donc il va vivre les événements du proche aidé de façon très personnelle.

Justement, s'il ne fait pas la part de sa propre identité par rapport au parcours de vie de son proche fragilisé, un duo aliénant va s'organiser.

Effectivement, la fin de vie va être vécue comme un départ qui va l'affecter extrêmement profondément parce qu'il aura été un tutora très puissant.

Donc c'est vrai qu'en préventif, il faudrait pouvoir aider les aidants et c'est ce que fait la compagnie des aidants.

C'est d'allumer les feux verts pour s'autoriser à considérer que nous avons tous des identités et que nous allons accompagner, mais que ce sont des voyages différents.

Donc quand le proche fragilisé se trouve dans ses derniers instants de vie, on va se retrouver dans une situation épidermique pour certains, très flamboyante.

Si elle n'est pas préparée, si elle n'a pas été élaborée mentalement, on va arriver à des situations, à des pensées, on va dire, d'urgence.

Ça veut dire des situations de conflit ? C'est-à-dire qu'effectivement, les ressentis, les émotions vont déborder.

Et il est important, justement, que l'aidant soit accompagné.

Et c'est vrai que, comme disait Éric très justement, dans ce contexte aujourd'hui où on va dénier la mort, puisque la technologie qu'a ingrantée la médecine nous a éloignés de voir mourir chez soi.

Les guerres sont loin de chez nous, on meurt à l'hôpital.

Alors qu'effectivement, cette crise sanitaire, comme disait très justement Éric, nous a ramenés à cette intériorité nécessaire de justement aller vers ce moment que je considère non pas comme une fin de vie, mais comme un passage.

Alors, je ne suis pas du tout ésotérique ni rien, mais c'est vrai que là, récemment, il y a eu un débat citoyen qui a été mis en place, qui a été organisé au CESE et j'en parlais avec un ami.

Effectivement, je disais un jour, ça ne sera pas un débat sur la fin de vie, mais ça sera certainement un débat sur le passage.

Et vous avez exprimé et utilisé des mots que le non-sachant ou les néophytes ou les personnes pour lesquelles cette idée de la mort n'est pas banalisée quelque part.

Eh bien, elle prend des proportions qui attaquent et qui agressent l'esprit, l'esprit humain.

Ce que vous dites tous les deux, c'est qu'il faut revenir vers un rapport plus simple, plus simple aussi, peut être à la fin de la vie.

C'est ça, quitte à changer les termes.

Évidemment, en tant que médecin, je m'autorise à le dire.

Je pense qu'on est aussi le fruit.

On est au bout d'un modèle médico-économique de la sur-médicalisation.

C'est à dire qu'aujourd'hui, tout d'ailleurs, tous les grands débats qui parfois vont pousser certains même à demander à ce que le droit aille encore plus loin.

C'est jamais que le miroir de ce qu'on appelait l'acharnement ou globalement l'obstination des raisonnables.

C'est à dire que la médecine, et on ne peut pas lui en vouloir, elle est allée trop loin.

Mais on le sait toujours a posteriori quand on va trop loin.

Je pourrais prendre la métaphore de mes amis agriculteurs.

Quand ils balançaient beaucoup d'intrants dans leur champ, c'était pas parce que pour polluer, c'était à on leur demandait de produire plus pour nourrir plus.

Et sauf qu'à un moment donné, l'agronomie et les ingénieurs ont démontré que trop d'engrais, finalement, étaient non seulement nuisibles, ça coûtait cher et ça diminuait les rendements.

On en est pareil avec la médecine au sens global et santi-public.

On ne peut pas reprocher, restons dans le champ de la néonatologie pour reprendre un exemple à l'opposé de la gériatrie.

On ne peut pas reprocher d'avoir réanimé des crevettes à 1,8 kg.

J'en suis une, merci, des crevettes à 1,2 kg, à 1 kg, à 800 grammes, à 500 grammes.

Sauf qu'a posteriori, on s'aperçoit qu'en termes de morbid mortalité, c'est peut être allé trop loin.

Donc aujourd'hui, on a déjà une médecine qui est en train de se rééquilibrer, non seulement dans sa juste efficience, efficacité, efficience.

Mais aussi dans cette approche holistique qui nous est chère, globale.

J'aime plagier la belle définition de l'OMS de la santé, qui n'est finalement pas très loin de celle du bonheur et du bien-être.

État de bien-être physique, bien dans son corps, psychique, bien dans sa tête, social, bien dans sa vie, dans son environnement.

Mais moi, j'ai rajouté deux qualificatifs sur la thématique qui nous intéresse tout particulièrement aujourd'hui.

Le qualificatif de social, certes, mais aussi de religieux et de spirituel.

Religieux au sens étymologique, de ce que nous met en lien, et spirituel au sens de mystère, de la foi, dans un œcuménisme le plus total.

C'est à dire, c'est tout ce qu'on sait qu'on ne sait pas.

Humblement, là où la mort devient un passage, c'est qu'on ne sait rien là-dessus.

L'être humain a inventé l'infiniment grand, l'infiniment petit, la notion de début et de fin.

Moi, la seule chose que je peux dire à nos auditeurs, je ne sais pas ce qui est vrai, mais je sais que ces deux modèles sont faux.

Ça ne fera pas beaucoup avancer la réflexion, peut-être avancer la réflexion, mais ça ne donne pas forcément une réponse.

Mais je suis intimement persuadé que ces modèles sont des modèles inventés par l'homme et qui sont faux.

Après, chacun construira ce qu'il veut.

Mais je reviens sur cette vie de relation.

Nous sommes des animaux sociables, disaient les philosophes.

Ils ont bien raison.

Vous et moi, tous les trois aujourd'hui autour de la table, on n'est rien sans l'autre.

Je me suis construit en miroir de l'autre.

Et bien humblement, à la fois dans mes qualités et dans mes défauts, finalement, je me suis construit l'image de l'autre.

J'aime à dire que je suis né aphasique, grabataire et incontinent.

Je ne savais pas parler.

Je ne savais même pas me tenir debout et mettre un pied devant l'autre.

Je me déféquais, je me pissais dessus.

Et pourtant, j'avais quand même une forme de dignité.

Ça fait réfléchir aussi.

Mais j'ai tout appris des choses les plus simples aux choses les plus complexes.

Je l'ai appris au contact de l'autre.

Donc, nous n'existons que dans la relation à l'autre.

Souvenez-vous de la canicule de 2003, le grand traumatisme social, mais qu'on oublie peut-être un peu vite.

C'est que le traumatisme de 2003, il a révélé à nos contemporains qui ne sont pas confrontés tous les jours à la souffrance humaine, que vous avez des individus qui étaient déjà morts socialement avant de mourir physiquement.

La mort sociale est pire que la mort physique.

Je suis toujours un peu vivant quand j'existe dans le cœur et dans la pensée de quelqu'un.

Et la famille, je reviens sur la famille.

La vie de relation, c'est quoi le noyau le plus fort de l'existence humaine? C'est notre famille.

Dans les moments difficiles, c'est cette famille.

L'affectif ne s'achète pas.

Et ce qu'il faut qu'on travaille ensemble aujourd'hui pour aider nos aidants familiaux et informels, c'est que cette valeur là, elle n'a pas de prix.

Elle n'a pas de prix.

Oui, quand une famille et une personne vient dans un établissement médicalisé comme une maison de retraite pour une vie qui prend fin.

Bien évidemment, ils peuvent compter sur les professionnels.

Bien évidemment, ils ont payé.

Donc, ils ont un certain nombre de droits, mais ils ont le droit et le devoir de garder toute leur place auprès de leur être qui s'en va.

Je reviens sur cette question de la solitude.

Je l'ai dit en introduction qu'Yann Dansonçon, lui, m'a beaucoup parlé de cette solitude.

Il a vu un médecin au début qui lui a dit voilà, pour votre mère, c'est terminé.

Plus ou moins de ce que j'ai compris, c'était ça le message.

Et après, il a vu passer des infirmiers, des infirmières, mais avec assez peu de relations humaines vis-à-vis de lui qui était l'aidant et qui s'est retrouvé finalement en tête à tête avec sa mère.

Comment s'est géré ça du côté de l'équipe médicale? C'est à dire, est ce qu'il y a une réflexion? J'imagine que oui, autour de ce qu'on fait des gens qui sont autour de la personne qui est en fin de vie.

Ce qui est important lorsque vous soulevez dans une des carences aujourd'hui de notre société, et c'est vrai dans le sanitaire, mais peut être de manière plus prégnante dans le médico social, c'est la rareté des médecins.

Et les médecins ne sont pas dieux, mais pour autant, ils ont une parole, une expertise, un savoir et on espère de temps en temps un savoir être et un savoir faire qui va permettre de porter un certain nombre d'éléments qui vont pouvoir apaiser les choses.

Alors, évidemment, c'est déjà un accompagnement humain sur une personne qui, effectivement, dans le pronostic vital est engagé avec plus ou moins long terme d'une phase jusqu'à la phase agonique.

Il est important de pouvoir mettre des mots sur les choses et le médecin doit être au chevet avec.

Je ne t'abandonnerai pas, je te guérirai parfois, je te soulagerai souvent, mais je serai toujours là.

Cette main doit être au bout, cette main qui guérit, cette main qui soulage, elle doit être aussi cette main qui accompagne.

Le médecin ne peut pas se dédouaner de cette présence, non seulement pour la personne elle même, parce que la parole soulage.

Bien parfois autant que nos médicaments, en tout cas avec le médicament, parce qu'elle soulage aussi la famille, parce qu'elle soulage aussi les équipes.

À l'heure où on parle de la souffrance des aidants, évidemment, particulièrement dans notre réflexion aujourd'hui, on pense aux aidants familiaux et amicaux.

Mais c'est vrai aussi pour la souffrance des soignants.

Le médecin doit être aussi là pour les deux.

Et ça, c'est véritablement quelque chose.

Le médecin ne peut pas se dédouaner de cette étape là.

Non, mais concrètement, concrètement, comment ça se passe? C'est à dire que concrètement, c'est pour la situation que vous vivez.

Moi, j'entends une souffrance dans l'agonie de sa maman.

J'entends une incompréhension, surtout dans ce temps qui lui reste à vivre.

Si la parole médicale avait pu, bien sûr, objectivement le rassurer, malheureusement, on ne va pas maîtriser le temps.

Ça peut prendre quelques jours, un peu plus qu'on va tout faire pour qu'elle ne souffre pas ce temps là, quitte.

Alors, je n'ai pas les éléments diagnostiques, mais quitte, évidemment, à peut être passer parce qu'autorise la loi dans une phase ultime d'une sédation profonde et continue, en arrêtant jusqu'à l'hydratation, en arrêtant jusqu'à l'alimentation, mais en s'assurant qu'elle ne souffre ni de faim, ni de soif, ni d'inconfort physique.

Si vous voulez, ça va apaiser.

Par contre, moi, ce qui m'interpelle toujours, et on est dans le débat de société sur la situation concrète de ce fils qui accompagne sa maman et que je le disais en propos liminaires, c'est comment faire sens à ce temps qui reste suspendu à cet arrêt cardio respiratoire.

J'ai accompagné une de mes amies il y a quelques jours, elle nous a surpris, c'est-à-dire elle a surpris le corps médical, c'est-à-dire elle est partie à un moment donné, on s'y attendait le moins.

Eh bien, ça, c'est ça aussi peut être le mystère de la foi.

Je voudrais apporter une explication par rapport à justement ce témoignage de ce fils.

On sent effectivement qu'il est très seul, qu'il est très angoissé.

Et on voit bien qu'il n'a pas interpellé l'équipe médicale parce que souvent, les aidants se tiennent en retrait.

Ils se disent que la lumière doit se faire sur leurs protégés.

Et malheureusement, ils n'osent pas se présenter ou se proposer alors qu'ils sont facilitateurs de soins et qu'ils sont souvent l'avocat de leurs proches.

Mais comment interagir avec le médecin ? Parce que là, nous sommes en face d'un être tellement bon et bienveillant.

On aimerait tous vous avoir auprès de nous s'il nous arrivait ce grand voyage à faire.

Mais la réalité, elle est autre.

C'est qu'effectivement, en ces temps de crise et en France, il y a encore ces mentalités où on cache la mort, on cache la différence.

On invisibilise cette grande adversité qui, avant, était traitée en famille par la spiritualité, la religion, la culture.

Mais peut-être revenir sur cette place des aidants.

Toi, tu dis qu'il faut qu'ils y aillent, qu'ils interpellent l'équipe médicale parce que autrement, s'ils sont dans une position plus d'attente, j'ai envie de dire, l'information ne viendra pas facilement.

Oui, je vais faire un parallèle par rapport aussi au tabou du deuil périnatal.

Ce sont quand même les deux extrêmes de la vie et également au moment des grandes souffrances du patient.

On ne sait pas où positionner le curseur quand on est un aidant.

On s'en remet toujours au sachant alors qu'effectivement, on considère le patient plutôt comme un objet de soin, alors que nous voudrions qu'il devienne acteur de soin.

En ce moment, toutes les associations et le grand travail des médecins, c'est de ramener le patient et le duo aidant-aidé dans cette possibilité d'action et de projet à n'importe quel terme de la vie.

Alors justement, je me retourne vers toi, Eric.

Est-ce qu'il y a des protocoles qui existent dans lesquels on va dire voilà la place des aidants, voilà comment on discute avec la famille, comment ça se passe ? Parce que c'est un peu mystérieux finalement, je pense, du côté des aidants, de savoir ce qui se passe dans la tête des équipes médicales et ce qu'elles doivent mettre en place.

Pardon, je fais juste un petit bémol, c'est-à-dire qu'effectivement, l'aidant, il doit oser.

Est-ce que vous êtes d'accord ou pas ? Effectivement, c'est très important pour moi d'écouter votre réponse.

Sujet complexe, c'est qu'on voit à la fois, il y a une sorte de paradoxe, c'est-à-dire qu'on veut tout cet acteur.

Tout le monde revendique aujourd'hui ce droit à un mot qui m'est cher avec celui de la santé, c'est le mot de l'autonomie, ce droit à l'autonomie.

Derrière l'autonomie, c'est évidemment pouvoir se gouverner soi-même.

Ce n'est pas simplement rester autonome dans les actes de la vie quotidienne, c'est cette capacité à gouverner soi-même, mais surtout se gouverner soi-même pour faire des choix.

Et faire des choix, c'est au minimum une alternative.

C'est-à-dire ces deux solutions, on ne sait pas dire oui ou non à une seule solution.

Je faisais référence à l'acharnement, trop souvent, malheureusement, dans une médecine, c'est le jeu de RTL.

Si je veux être un peu cynique, c'est stop au encore, c'est-à-dire vous acceptez notre chimio ou je vous abandonne.

Vous acceptez ce protocole ou je vous abandonne, c'est pas.

Évidemment, on peut tenter ce traitement avec le bénéfice risque, mais on peut aussi faire un choix de qualité de vie.

On parlait tout à l'heure de médiatisation, je vais mettre des guillemets, d'une vie avec un pronostic incertain.

Florent Pagny, par exemple, qui médiatise beaucoup à la fois ses doutes, ses incertitudes, ses choix, non pas ses erreurs, mais qui montre toute l'incertitude des choses.

Il va être peut-être en train de refaire son film.

Si j'avais fait cette immunothérapie tout de suite, peut-être que je n'aurais pas récidivé.

Mais la vie, voilà, c'est ça.

Mais le patient, il doit être acteur.

Et pour être acteur et sa famille, pour être acteur, parce que c'est un triptyque, cette affaire.

Les professionnels, les familles, le résident, je ne sais pas si le patient, on le met au centre, au milieu, autour.

Mais ça, c'est voilà, ça, c'est conceptuel et peut-être un peu théorique.

Mais la vraie question, c'est pour être acteur, il faut déjà le vouloir et le pouvoir.

Le vouloir et le pouvoir.

Et donc, aujourd'hui, on a énormément avancé sur les droits du patient.

Mais j'ai encore des pas, même si je les bouscule un petit peu, mais mes aînés que j'adore, qui me disent mais docteur, c'est vous qui savez.

D'accord, c'est moi qui sais, mais c'est toi qui souffre.

C'est toi, c'est ta vie, ce n'est pas la mienne.

La relation à la douleur physique, par exemple, il y en a qui préfèrent avoir un peu mal parce que avoir un peu mal, c'est être un peu encore vivant et avoir la tête tout à fait claire.

Il y en a qui préfèrent ne pas souffrir et dormir jusqu'au droit de dormir pour ne pas souffrir avant de mourir de Jean Léonetti sur la sédation profonde.

Donc, on n'est pas tous pareils parce qu'on est tous le fruit d'une histoire.

Donc, pouvoir être acteur, vouloir être acteur et nous, notre devoir de professionnel, que ce soit à l'égard de l'ensemble de toutes les personnes qui gravitent autour de cette personne elle-même, la personne elle-même, c'est de pouvoir donner cette fameuse phrase très pudique, théorique, mais qu'il faut rendre en pratique une information claire, loyale et appropriée.

Pour être acteur, il faut lui donner les billes des tracteurs.

Il y a un cadre qui est donné formellement aux patients.

Tu leur dis à la famille, aux patients, tu as le droit de m'interpeller, tu as le droit de me dire ça.

Au-delà des protocoles, parce que les protocoles, c'est bien de les écrire, mais c'est mieux de les appliquer.

C'est déjà rappeler les droits.

Être acteur, tu sais, aujourd'hui, vous savez, on a une des grandes chances d'un grand scoop que je vais annoncer à nos deux éditeurs, c'est qu'on va tous mourir.

Voilà, ça, effectivement, c'est dit et on sait à peu près, on va tous avoir la chance, sauf exception, d'avoir quand même de vieillir vieux et très vieux.

La mort a de plus en plus le visage d'une personne âgée et très âgée et on va mourir, sauf exception là aussi, parce que la singularité, c'est ce qui fait aussi la beauté de l'exercice.

On va mourir d'une maladie ou de plusieurs maladies chroniques, c'est-à-dire que plus on avance dans l'histoire, plus on sait à peu près comment on va mourir.

Et comment on sait que l'être cher qu'on accompagne va mourir? Et ça veut dire qu'on peut anticiper être acteur de son destin.

C'est évidemment que le corps médical et j'en reviens au corps médical, il y a des choses qui ne peuvent être dites et entendues que par la voix du médecin.

Prenons un exemple d'une maladie fréquente en gériatrique et la maladie d'Alzheimer ou apparenté.

Il ne s'agit pas au premier jour de la consultation de balancer un diagnostic avec toute l'incurabilité et le sordide qu'on peut finir à phasie gravataire incontinent.

Mais c'est qu'à un moment donné, pendant des années, je vais avoir toute ma capacité de discernement, d'expertise, de choix de vie.

Comment je prends en main mon destin? J'aime à dire que le pire n'est jamais certain.

Cette humilité médicale, elle est là.

Encore une fois, le pire n'est jamais certain.

Et j'aime cette idée, cette image de laisser toujours la porte ouverte.

J'évoquais encore l'histoire de mon ami ces jours ci.

Depuis des mois, je savais que le pronostic médical était sombre.

Par contre, humblement, je ne savais pas si on était encore à ce moment là, probablement qu'on comptait encore en mois.

Phase palliative, si on comptait en semaine, phase terminale ou en dernier jour, phase agonique.

La phase terminale, je l'avais senti, mais elle a une phase agonique tellement courte qu'on ne l'a pas vu venir.

Donc ça, il faut avoir cette humilité là.

Mais par contre, on ne raisonne pas, on ne fait pas les mêmes choix.

Et là, le corps médical doit, avec l'humilité, à un moment donné, rappeler.

Est ce que je suis encore une phase où je peux guérir? Est ce que je suis rentré en phase palliative? Est ce que je suis en phase terminale? Est ce que je suis en phase agonique? Et ça, c'est un discours de vérité qu'il faut travailler avec les aidants et avec la personne elle même.

Tu as parlé des droits.

Quels sont ces droits concrètement en une minute? Quels sont les droits du patient des aidants? Aujourd'hui, depuis les droits consolidés par la loi Léonie Ticlès de février 2016, c'est la personne de confiance.

Pour les familles, si on veut éviter des disputes familiales, qui est la personne de confiance? La personne de confiance, tout est dit dans le mot personne de confiance.

Ce n'est pas forcément celle qui est la plus proche, effectivement.

Moi, je le dis souvent, on a la chance d'avoir cinq enfants et sept petits enfants.

Il y a une de mes filles que je ne nommerai jamais personne de confiance.

Elle serait capable de bafouer mes directives en CIDHIP.

On va revenir.

Elle serait capable de bafouer tout ce que j'exprime sur ma vie et ma fin de vie parce qu'elle voudrait jamais lâcher partir papa.

Donc, c'est quelqu'un qui, à la fois, vous est proche, mais proche en termes de valeur et en termes de respect.

La personne de confiance, c'est celle qui va prêter votre bois, ses lèvres et sa langue.

Pour dire à votre place ce que vous ne pourriez le jour où vous ne pourriez plus le dire vous même, c'est à dire c'est un grand.

La personne de confiance, c'est un droit et un devoir.

C'est un grand devoir pour celui qui accepte cette mission, parce que ça veut dire je vais te représenter parfois contraire à mes propres convictions.

Et la grandeur d'un homme avec un grand H et des femmes, évidemment, des hommes et femmes dans les deux sexes, c'est de se mettre au service de celui qui va partir.

Quand je suis médecin, je ne suis pas là pour défendre mes convictions.

Quand je suis un prof chez Edan, je ne suis personne de confiance de plusieurs de mes amis.

Je ne serais pas là.

J'ai des amis qui ont des convictions un peu différentes des miennes.

Mais évidemment, moi, je donne juste un petit conseil parce que ce n'est pas toujours facile de garder de la distance et de la hauteur après ne pas faire passer ses propres convictions.

Choisissez une personne de confiance qui est proche de vos convictions.

C'est une petite métaphore pour détendre un peu sur la politique que j'aime aussi dans cette dynamique de la cité, dans ce dialogue consensuel.

C'est que si vous ne pouvez pas aller voter aux prochaines élections européennes, vous pouvez très bien choisir votre conjoint.

Mais ça se trouve, vous n'avez pas les mêmes opinions politiques que votre conjoint.

Moi, je ne prendrai pas le risque parce qu'une fois dans le secret de l'isoloir, un petit péché est vite pardonné.

Et puis, à quoi ça sert que j'allais voter un rouge et un bleu ? Ça va s'annuler autant que je mette mes deux bleus, moi, des rouges.

Je le donne à un copain militant qui, sauf à être sadomaso, défend les mêmes convictions politiques que moi.

On a beaucoup parlé des médecins, mais quand on pense aux équipes médicales, on pense aussi aux infirmiers, aux auxiliaires de vie.

J'aimerais qu'on écoute ici Susanna, qui a été longtemps auxiliaire de vie à Marseille.

Elle était présente pour la fin de vie de plusieurs personnes âgées à leur domicile.

Les médecins et les infirmiers, ils ont été là pour le médicament.

Alors que je pense que nous, on était plutôt là moralement.

C'est un soulagement pour la famille d'avoir des gens comme nous, en confiance, bien sûr, parce que ce n'est pas le cas de tout le monde.

Par exemple, une nuit, ça ne passait pas très bien.

Le matin, ils se réveillaient bien.

Des fois, je ne les disais pas trop dans la famille pour ne pas qu'ils soient angoissés.

En fait, ce n'est pas une question de la personnalité mal.

C'est juste qu'ils n'avaient pas de sommeil.

On se levait 4 heures du matin pour boire un café.

Je gardais un peu de trucs pour moi aussi.

S'il y avait des trucs graves qu'il fallait dire vraiment par rapport au médecin, tout ça, oui.

Mais après, il y a des choses qui étaient mal, tout ça.

On essaie de préserver ses enfants parce que ça, c'est très difficile pour les enfants.

Alors que pour nous, on peut gérer les situations.

Céline, il y a dans la fin de vie, dans les équipes médicales, la question de la confiance et de la relation humaine.

Ça, c'est important d'être avec des gens à qui on peut faire confiance.

Oui, ça, c'est très, très difficile.

Et depuis le départ, quand on s'occupe d'un proche fragilisé, comme je le disais tout à l'heure, c'est de pouvoir garder son identité.

Avant d'être aidant, on est une femme ou un homme, on est une épouse, on est un père, on est une mère.

On peut être un enfant aussi.

Là, on a parlé des êtres de confiance.

Souvent, ce sont des enfants et on ne s'en rend pas compte.

Donc, effectivement, ça me fait penser depuis tout à l'heure à l'alliance thérapeutique.

Il faut du temps pour justement construire cette alliance.

Et ce temps-là, on en fait l'économie parce que les décisions managériales, maintenant, des hôpitaux et autres structures médico-sociales se font sans humanité, ce qui est d'une très grande gravité.

Et on essaye de lutter contre ça et justement de sensibiliser.

Et si l'excellence française pouvait revenir justement à réécouter autrement, à réécouter autrement la relation entre le soignant et le soigné.

Aujourd'hui, on se retrouve dans des situations où il faut absolument prendre ce temps.

Là, nous sommes en présence d'un médecin qui est formé, qui est extrêmement spécialisé.

Mais la majorité des médecins n'est malheureusement pas de cette présence-là, bienveillante, écoutante et surtout, comme tu disais, adaptée, appropriée à la situation culturelle, sociologique, économique de la famille aidante.

Et c'est là où j'allais dire concrètement, est-ce que ce n'est pas à ce moment-là où peut-être d'autres figures entrent en jeu comme l'auxiliaire de vie ? Là, c'est l'auxiliaire de vie qui est dans la famille, qui fait office presque de protectrice de la famille.

Elle le dit clairement.

Il y a des fois où la personne avec qui j'étais, était angoissée.

Je savais que c'était rien.

Je n'allais pas aller sur-angoisser la famille puisque je faisais un peu la barrière de protection.

Oui, c'est ça, comme un médiateur, une médiation, effectivement.

Quand j'ai mis au monde un enfant porteur d'une maladie rare, extrêmement grave, j'ai assez vite compris que je ne pourrais pas m'en sortir humainement seule.

J'avais appris, parce que je m'étais mariée avec un homme qui voyageait beaucoup, à être seule et assumer seule mes deux autres aînés.

Quand j'ai mis au monde cet enfant, j'ai bien vu que je l'avais dépassé.

Donc, après la sensation de deuil et d'impuissance, j'ai compris que c'était à moi de tendre la main.

Si je ne tends pas la main, si je n'ose pas demander de l'aide, je n'y arriverai pas.

Effectivement, s'organiser autour du soin et du parcours de vie jusqu'à la phase terminale d'un être humain, c'est une équipe pluridisciplinaire qui s'organise et chacun fait son métier.

Il serait très important que puisse être désigné au moment du diagnostic un tour opérateur qui est en fait une mission qui est gérée par l'aidant.

C'est lui le chef d'orchestre en permanence.

Or, il ne peut pas tout gérer.

C'est vrai que quand on s'approche du médecin, on ne peut pas lui parler comme un prêtre.

Pourtant, c'est cette attente qu'on a quelque part.

Quand on s'adresse à une assistante sociale, on ne s'adresse pas à un avocat.

Quand on s'adresse à un psychologue, on pourrait indéfiniment.

.

.

Les aidants, à un moment donné, doivent comprendre quel est le métier de chacun pour pouvoir avoir des couloirs d'aide.

Et peut-être, justement, Eric, tu peux nous dire, parce qu'il y a le médecin, mais le médecin ne peut pas tout et ne doit pas tout.

Comment ça s'articule au niveau des équipes médicales? Comment se joue cet équilibre vis-à-vis des proches, des aidants au moment de la fin de vie d'un seigneur? Dans ce que disait Céline et à travers ta question, on retrouve encore une fois ce qui est devenu le plus rare et peut-être parfois malheureusement le plus cher.

C'est le temps professionnel.

Un système de productivisme poussé à l'extrême a fait qu'effectivement, le temps de relation est rarement validé dans les modèles médico-économiques aujourd'hui.

Alors, c'est vrai dans le sanitaire, mais on trouve aussi les limites dans le champ médico-social ou dans le champ social tout court.

C'est à dire que là où parfois la meilleure des thérapies.

Et la meilleure des préventions serait de donner du temps à un moment donné.

Eh bien, on ne le prend pas.

On ne le prend pas, je dis volontairement, on ne le prend pas parce que si on raisonnait court, moyen, long terme et en plus, philosophie même de l'engagement professionnel qu'est le nôtre, ça vaut le coup de le prendre à ce moment là, parce que ce n'est pas du temps de perdu.

Ça va être du temps de gagné.

Donc, avoir cette intuition et cette capacité.

Moi, j'aime ce terme de se rendre disponible quand il est au moment opportun.

Le médecin ne doit pas être là tout le temps.

Il doit savoir déléguer pour rester sur ma profession.

Il doit savoir faire confiance à ses équipes.

Il doit savoir faire confiance à l'aidant familial et d'abord faire confiance au patient lui-même.

Mais à un moment donné, il y a des moments, il ne peut pas déroger.

Aucun d'entre nous ne peut déroger à son devoir d'humanité, tout simplement.

Personne d'entre nous n'avons choisi ces métiers uniquement pour sa technicité.

Et je vous prends un exemple et je ne leur jette pas la pierre parce qu'ils se sont mis dans un corner quand je dis la profession, le temps.

Nos amis médecins de famille, nos médecins généralistes, médecins de famille, c'est un mot qui m'est cher.

Si j'avais fait de la médecine générale, j'aurais voulu être un médecin de famille.

Comment le médecin de famille ne peut pas être là, si ce n'est au moment du dernier souffle, mais au moins à un moment donné, une présence, un au revoir, un soutien au patient, à ses proches.

J'ai dirigé une unité de soins palliatifs pendant longtemps.

Les patients me le disaient.

Je voudrais dire au revoir à mon médecin.

À mon médecin de famille, je ne l'aurais pas appelé.

Certains arrivaient parfois à prendre ce temps, mais c'était un temps gratuit et gracieux puisqu'ils ne pouvaient rien facturer.

Mais chaque fois que j'ai pu les faire venir, c'était un cadeau de grâce que les médecins de famille offraient à leurs patients et aux proches.

Savoir être là au bon moment, ce n'est pas l'être tout le temps.

C'est savoir être là au bon moment.

C'est un peu théorique, ça.

Mais il y a des moments où il faut savoir lâcher prise et prioriser les choses.

C'est un petit conseil amical que je donne.

Mais Céline le disait aussi.

Savoir peut-être les solliciter, peut-être par pudeur.

Parfois, on ne dérange pas le docteur parce qu'il a tellement pris.

Et s'il apprend dans le journal que sa patiente est décédée, s'il ne lui a pas dit au revoir, c'est peut-être pas parce qu'il n'a pas voulu lui dire au revoir, mais qu'on ne lui a pas donné aussi la possibilité de lui dire au revoir.

C'est pour ça que souvent, et dans le premier témoignage, on a entendu aussi une certaine colère que moi, j'associe à la tristesse.

C'est qu'aujourd'hui, le sentiment de tristesse n'est pas élaboré, n'est pas vécu.

Or, quand on reçoit des diagnostics difficiles, douloureux, il y aura un avant et il y aura un après.

Alors, pour essayer d'aider les aidants qui nous écoutent, si le médecin ne peut pas justement se rendre disponible, il y a toujours la solution d'interpeller le psychologue.

Effectivement, le psychologue, il sera vraiment là pour proposer cette écoute, pour aider l'aidant à poser des mots, pour aider dans la relation entre l'aidant et l'aidé.

Il y a ensuite la possibilité d'interpeller aussi les unités palliatives.

Mais ce sont des raisonnements qui font encore peur.

Et aujourd'hui, de pouvoir en parler, j'espère que ça va autoriser et permettre aux personnes d'oser.

Et je voudrais rebondir là-dessus, c'est aussi s'autoriser à avoir du répit, y compris dans ces moments de fin de vie qui peuvent être des moments où on est extrêmement mobilisés.

Ça, c'est important, c'est possible.

Concrètement, comment ça se passe, cette question du répit ? Alors, le répit chez l'aidant, c'est la grande, grande question et c'est le plus grand levier pour leur permettre de penser.

L'aidant ne se repose jamais parce qu'il pense qu'il doit en permanence être dans cette extrême présence.

Et je dis en riant souvent qu'ils doivent en avoir marre, nos aidés, de nous avoir toujours sur le dos.

Il y a des moments où on a envie, on a besoin d'être seul et d'être seul avec quelqu'un de neutre qui va pouvoir écouter des choses qu'on ne peut pas dire forcément à son aidant.

Ça me fait penser à un monsieur qui a osé rentrer justement dans la caravane de la compagnie des aidants et qui a dit je n'en peux plus de m'occuper de ma femme, je n'en peux plus.

Et heureusement qu'il a osé, qu'il a osé le dire.

C'est tout à fait légitime.

Moi, par exemple, je dois laver mon fils qui a aujourd'hui 14 ans.

Je ne vois pas les années passées, mais je vois que ce corps a grandi.

Et moi, en tant que mère, je voudrais que ce soit quelqu'un d'autre qui le fasse.

Ce n'est pas à moi en tant que femme et maman de m'occuper des soins corporels de mon fils.

Donc, je pense que c'est très, très important de faire réaliser à l'aidant que c'est légitime, que dès le départ, c'est un marathon.

C'est un marathon de vie, plein de joie, plein d'adversité.

Mais quand un moment donné, il faut rendre à César ce qui appartient à César.

Sur la fin de vie, très précisément.

Comment ça se passe, cette question du répit? Est ce que toi, tu renvoies vers des associations? Tu dis aux gens bon là, vous avez le droit de souffler, même si on est sur ces derniers jours, ces dernières semaines.

Comment ça se passe? D'abord, je crois qu'il y avait un maître mot à intégrer dans ce parcours de vie, de vie qui prend fin.

C'est celui de l'anticipation.

C'est à dire là, c'est un ancien hospitalier qui a fait de l'urgence, qui parle.

Il vaut mieux opérer, l'expression peut paraître un peu cynique, mais il vaut mieux opérer à froid qu'à chaud.

En jargon pronostic chirurgical, c'est à dire que même l'imprévisible est prévisible à condition d'avoir un minimum de lucidité, tout en laissant cette espoir de cette porte de l'espoir que j'évoquais tout à l'heure.

Donc, la lucidité, il faut qu'on anticipe.

Quand on anticipe, on arrive véritablement à mieux respecter le parcours et à mieux mesurer les difficultés qu'on va justement chercher à éviter.

Je vais pas revenir sur les directives anticipées, qui est un outil, un droit, mais pas une obligation.

Mais sur l'anticipation du parcours de vie, repérer la souffrance.

Bien sûr, les limites d'un accompagnement à domicile, par exemple.

Je l'ai vécu encore quelques jours.

Reconnaître la souffrance de les dents qui n'en peut plus.

Quand vous avez, évidemment, cette maman corvéable à Mercy, 24-24, tant qu'elle arrivait à faire ses nuits, ça va.

Mais quand sa fille, toutes les heures, l'appelle, elle ne veut qu'elle et même pas son père parce qu'elle veut protéger peut-être son père, etc.

Et que cette mère, ça fait deux, trois nuits qu'elle dort plus.

C'est à dire la force qu'elle a, l'énergie qu'elle a.

Mais à un moment donné, c'est le corps qui ne suit pas, un corps qui serait.

.

.

Et donc, on risque de se retrouver avec deux victimes.

Une personne mal accompagnée et un aidant en souffrance.

La fameuse souffrance de l'aidant qui nous est chère, il faut la repérer.

Et j'allais dire, ce n'est pas simplement un droit au répit.

Moi, généralement, ça devient une ordonnance de répit.

Il m'est arrivé de dire maintenant, stop pour toi, stop pour toi.

Tu n'es pas un extraterrestre, tu n'es pas un robot.

On connaît tous cette belle adage qui veut aller loin, mais n'achète pas monture.

Si on veut être là jusqu'au bout et au moment les plus nécessaires, il faut à un moment donné, là aussi, savoir passer la main.

Mais l'aidant à ce gros défaut, quand je dis défaut et c'est très affectueux, c'est qu'à un moment donné, il pense qu'il n'y a que lui qui fait bien.

Mais ça veut dire que cette question de répit, ça doit venir de qui? Du médecin qui va dire, voilà, vous devez vous reposer.

Céline parlait d'équipe pluriprofessionnelle.

C'est vrai quand on commence à être dans la complexité, a fortiori à domicile, mais aussi dans un EHPAD, mais aussi parfois à l'hôpital.

À un moment donné, il faut que quelqu'un prenne la main, prenne le lead.

C'est mieux quand j'espère mourir à l'âge d'épinal, entouré des miens.

Ne pleurez pas, on boit une coupe de champagne.

C'est mes origines adoptives.

Et ne soyez pas triste, on a bien vécu, etc.

, etc.

Mais si c'est pas le dit, il ne peut pas être pris par le patient.

Il faut, il faut, il faut qu'il y ait une alternative là aussi.

Ça peut être parfois un proche familial.

Ça peut être parfois un professionnel qui a cette expertise, cette culture.

Voilà.

Mais en tout cas, à un moment donné, il faut un chef d'orchestre.

Et qui, effectivement, avec bienveillance, mais exigence, signe la fin d'utilisation insoutenable en disant maintenant, ce n'est plus possible, ce n'est plus possible.

On va hospitaliser, on va t'hospitaliser parce qu'avec un objectif de qualité de soins, un objectif de prendre soin, mais aussi un objectif que ta maman se repose, etc.

Et donc, il faut une autorité.

Alors, c'est vrai que dans les situations les plus médicales.

On retrouve, sans être idéaliste, la parole du médecin à plus de bois que quand c'est un enjeu de parcours sanitaire que n'importe lequel.

Mais la psychologue va extrêmement décrypter les choses.

Un jour, on parlait parfois là, tu as dit quelque chose de très juste, Céline, tout à l'heure.

La personne la plus proche et la plus utile, entre guillemets, n'est parfois pas toujours la personne la plus diplômée.

Combien j'ai vu de personnes âgées dire les choses qui allaient être essentielles pour prendre, pour moi, la meilleure décision ou la moins mauvaise qu'avait été dite à notre agent de service qui nettoyait la chambre parce qu'elle témoignait à cette personne des choses.

Elle était suffisamment distante.

Elle était, passez moi l'expression, suffisamment incompétente dans les compétences médicales pour pouvoir dire ce qu'elle avait besoin de dire en étant sûre qu'elle n'aurait pas la réponse parce qu'elle voulait exprimer sa souffrance, mais ne voulait pas une réponse pronistique, par exemple.

Et donc, la notion de proximité, elle mesure deux choses.

Elle mesure la puissance et la nécessité du fameux soin relationnel et elle mesure que c'est quelque chose de totalement singulier et interpersonnel entre deux êtres.

Et voilà, et le tiers neutre, le fameux tiers neutre, il est intéressant pour ça, que ce soit un bénévole, que ce soit un représentant du culte quand on est une religion, que ce soit un ami qui nous est proche, mais qui n'est pas mon propre conjoint ou mon propre enfant.

C'est tout ça qu'il faut arriver à sentir.

Donc, c'est effectivement à la fois beaucoup d'humilité.

S'il y a un mot à retenir, c'est beaucoup d'humilité, beaucoup d'anticipation et cette ambition de dire vous n'êtes pas seul, vous n'êtes pas seul.

Une fin de vie, ça se prépare, tu l'as bien dit, mais la réalité n'est pas toujours simple.

On va écouter Chantal, son père a plus de 97 ans et il est dans une maison de retraite à Marseille.

Normalement, quand on rentre dans l'EHPAD, on a un projet de fin de vie que l'on donne.

Ce projet de fin de vie, bien sûr, évolue avec la prise d'âge des parents et les conditions dans lesquelles ils sont.

Ce projet de fin de vie, on doit le signer une fois par an avec la directrice, les équipes coordonnatrices, infirmières, médecins, coordinateurs et tout ça.

Mon père, ça fait quatre ans qu'il y est, je n'en ai eu qu'une fois en arrivant.

Pour arriver à avoir cette réunion, c'est pratiquement impossible.

On ne veut pas de lâchement thérapeutique, ça, c'est sûr.

Mon père, il a 97 ans, je ne veux pas qu'il souffre, je veux qu'il parte en douceur et tout ça.

Je ne veux pas qu'il se rende compte, surtout.

Ça, on le dit, mais c'est des voix orales parce que ça a été dit il y a quatre ans reculant.

Mais ce qu'il faudrait qu'il y ait, c'est un peu plus de coordination avec les familles, plus de rencontres des soignants avec les familles.

Donc, on a la rencontre avec les infirmiers, mais le médecin-coordinateur, pour moi, c'est un inconnu.

Chaque fois qu'on a eu de gros problèmes, c'était deux médecins-coordinateurs différents.

C'est-à-dire que c'est la position et l'organisation qui ne marchent pas bien.

C'est pas foncièrement la personne ou par elle-même.

Alors, un projet de fin de vie, comment ça marche exactement ? Peut-être on peut commencer par là, Éric ? Encore une fois, les mots ont du sens et le sens des mots donne un sens différent, sans jouer sur les mots.

Moi, j'aime parler d'un projet de vie qui prend fin.

La fin n'est pas un projet.

L'humoriste disait que la mort n'est rien.

Juste avant, je ne suis pas mort et juste après, on ne sait toujours pas ce que c'est.

Donc, la question, ce n'est pas de bien mourir qui ne veut pas dire grand-chose.

C'est de bien finir le temps qui reste à vivre.

Et je reprends l'expression de tout à l'heure, une vie de projet, c'est-à-dire aussi court soit-il, il faut un projet.

Si ce jour, ce monsieur a 97 ans, malgré, je ne sais pas sa situation, mais pour ne pas personnaliser la réflexion, mais peut-être même Alzheimer, terminal, grabataire, incontinent, encore juste, buvoté, mangeoté.

Et pourquoi ? Pourquoi il est encore vivant ce matin et qu'il est là ? Quel sens je vais donner à cette journée en termes d'un projet adapté, évidemment, à ses capabilités, à ses désirs, à ses besoins, à son histoire, à ses valeurs, etc.

C'est évidemment, dans ce que dit notre famille, c'est insupportable.

Un projet de vie qui n'est pas réévalué, alors peut-être c'est juste pour dire RAS, pas de changement, parce qu'il y a une situation stable.

Si le projet a été bien construit sur les attentes, les besoins, les valeurs, les plaisirs de cette personne.

S'il n'y a rien de nouveau, parfois il y a des situations, des lents mourir qui restent stables et à la rigueur, on peut dire RAS, on renouvelle les objectifs de l'année précédente.

Mais au moins, il faut pouvoir en discuter parce que c'est aussi un temps d'accompagnement.

L'intérêt de ça, c'est ce temps d'accompagnement.

Par contre, ce qui est difficile dans cette notion d'acharnement.

Un petit témoignage qui m'est arrivé il y a quinze jours, une amie de Bretagne m'appelle en me disant, maman, effectivement très avancée, grabataire, gyrin, pour ceux qui connaissent au bout de sa vie, au sens de fonctionnalité, qui fait une chute, ça peut arriver, l'hépade, je le dis à tous nos contemporains, l'hépade n'a pas vocation à protéger de la chute, parce que tuer la vie, c'est tuer le risque, tuer le risque, etc.

C'est a priori un traumatisme crânien.

C'est vrai que si je sors mon protocole de conduite à tenir devant un traumatisme crânien, évidemment, c'est forcément si je veux sortir, tirer le tiroir, comme je dirais pour mon internat de médecine, je l'envoie aux urgentes, faire une imagerie.

J'avais peut être une alternative qui aurait été de faire une surveillance toutes les quatre heures de la conscience, etc.

Mais en hépade, il n'y a pas d'infirmière la nuit dans cette hépade là.

La famille a bien, comme cette dame là, bien dit qu'elle ne voulait pas d'acharnement, qu'elle voulait que son parent meure apaisé.

Mais au bout du bout, le professionnel en place, le médecin, un coordonnateur en place qui a été joignable, alors que la famille l'a eu, décide quand même de l'envoyer aux urgences à 19 heures.

C'est intéressant de se poser pourquoi il l'a fait.

Elle a fait son imagerie, son imagerie était normale et elle est revenue à 3 heures du matin.

Imaginez que l'imagerie était positive, probablement que la médecine n'aurait rien fait, mais il a pris le risque, mais il n'a pas mesuré ses risques et je ne le juge pas.

Retour d'expérience, on appelle ça, il faudrait que quelqu'un, à un moment donné, l'aide à réfléchir.

Retour d'expérience, imaginons que cette personne ait fini ses jours sur le brancard, 7, 5 heures sur un brancard aux urgences, à attendre un examen qui n'était peut être pas si urgent que ça.

Et la vraie question, c'est le risque pour qui? Et là, on retrouve cette notion d'alliance qu'évoquait Céline dans la prise de risque collective.

D'une situation donnée, c'est à dire trop souvent, il y a un certain nombre de choses qui sont faites et donc mal faites dans mon propos, parce qu'à un moment donné, tout le monde cherche à se couvrir de tout.

Sauf que si à un moment donné, là aussi, en anticipation, on avait d'accord, pas d'acharnement thérapeutique, le médecin qui consolide en disant oui, vu ses capabilités, vu son avis, vu son état général, vu, vu, ça paraît raisonnable un jour, s'il y avait ceci de ne pas hospitaliser, s'il y avait cela de ne pas réanimer, on est tous d'accord.

Si demain, on valide ensemble le fameux projet de vie révisé, c'est aussi à un moment donné, quand les choses s'aggravent, de dire jusqu'où on va, vous n'avez pas d'acharnement, mais ça veut dire quoi, demain, maman fait une chute, trauma crânien, c'est une chute qui peut arriver, qu'est ce qu'on fait, elle tombe dans le coma, on la laisse partir et là, encore une fois, c'est l'anticipation et le partage des responsabilités, même si au bout, tu le disais tout à l'heure Céline, le psychologue a sa responsabilité, l'infirmière a sa responsabilité, le médecin a la sienne, mais à un moment donné, qu'on partage les responsabilités, on partage les responsabilités, mais on partage les responsabilités, même si au bout, tu le disais tout à l'heure Céline, on puisse avoir une vraie décision éclairée et trop souvent, ce n'est pas anticipé parce qu'imaginez simplement cet exemple très concret que maman puisse tomber et se faire un trauma crânien qui pourrait être fatal.

La première décryptage de ce message, ça veut dire mais vous êtes incompétent, je vous paye.

Donc, cette relation au risque et à la responsabilité, il est extrêmement intéressant à travailler avec les familles.

Je me tourne vers toi Céline, du côté des aidants, est-ce qu'on peut se préparer aussi psychologiquement à la fin de la vie de son proche ? Comment ça se passe ? C'est une grande question.

On dit toujours qu'il faut, vous savez, quand on répond aux enfants, répondre à la hauteur des questions.

J'ai envie de dire que chaque situation est personnalisée et on aimerait qu'elle le soit.

C'est vrai qu'encore une fois, dans nos mentalités occidentales, la mort est quelque chose qui est dénié, qui est caché.

Et ça le reste encore aujourd'hui, alors que beaucoup d'efforts sont faits justement pour accompagner ce moment qui devait être, parce que tout le monde le souhaite, être apaisé.

D'ailleurs, j'ai participé récemment à des rencontres de santé sur ce sujet-là et j'ai entendu cette très belle phrase qui disait « La douleur, c'est du lien.

» Et ce que je trouve très, très beau, c'est qu'effectivement, les ressentis humains, les émotions que nous vivons, elles sont là pour communiquer.

Comme tu disais tout à l'heure, Éric, nous sommes des êtres sociaux.

Nous sommes des êtres sociaux, on ne peut pas vivre indépendamment de l'autre, et d'autant moins quand on est accompagné jour et nuit par un aidant.

Donc, la culture de la famille, la spiritualité qui entoure leur valeur, leur vie, ce devraient être des thèmes qui devraient être abordés.

Là, ça me fait penser à.

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qu'ils devraient être abordés le plus tôt possible.

Effectivement, moi, je suis une militante de la prévention.

On parlait d'anticipation.

Ça ne fait pas partie de la vie de parler de la mort et c'est dramatique.

C'est ça que je trouve le plus dramatique et que je déplore.

Là, j'ai une amie qui est ancienne avocate, qui a inventé une école après l'école qui s'appelle Joie et qui veut donner du sens et faire sens de ce qui se trame aujourd'hui dans cet univers hyper digitalisé, hyper numérique, donc dématérialisé.

Aujourd'hui, et d'ailleurs, l'éclairage des neuroscientifiques et des neurosciences sur nos comportements humains, sur la façon dont le cerveau fonctionne, c'est très intéressant.

Mais ça vide un petit peu de sa substance, le fait de s'approcher de quelqu'un qui vit des sensations très fortes et très douloureuses et très intenses s'il est à la fin de sa vie.

Donc, pour moi, ça participe de toute une éducation par rapport à l'humanité, par rapport aux émotions.

Et il faudrait que ce soit fait régulièrement, qu'il y ait des rendez-vous réguliers où ce thème-là soit abordé.

Qu'est-ce que vous pensez de votre douleur ? Où en êtes-vous ? Comment est-ce que c'est pris en charge ? Voilà, pour que se puisse dessiner, justement, cette façon de vivre le soin.

Oui, mais sur la fin de vie des seniors, alors là, tu parles de manière plus générale, mais sur la fin de vie des seniors, où, quand ont lieu ces discussions ? Est-ce qu'il y a un moment où, justement, il y a cette discussion peut-être avec le médecin, je ne sais pas, à lieu de savoir comment la famille se prépare à cette fin qui, à un moment, est une fin définitive ? Encore une fois, la mort elle-même n'a peut-être pas vocation, à la fois par pudeur et par bon sens, à être évoquée à la préadmission ou l'admission de la personne.

Par contre, il faut régulièrement, pour d'ailleurs consolider ce fameux projet personnalisé, on va effectivement, j'aime l'image du puzzle, on va chercher à récupérer toutes les pièces du puzzle et on va les assembler pour définir, apparaître l'image de ce projet de vie qui prend fin.

Et évidemment, en fonction du moment, j'ai évoqué ces trois phases, phase palliative, phase terminale, phase agonique, on n'aura pas les mêmes mots et les mêmes inquiétudes.

Donc, c'est d'où l'importance de réactualiser en fonction de l'évolution.

Mais Céline, tu évoquais douleur et lien.

Moi, ça me rappelle un des mots que j'adore au sens étymologique, qui est souvent mal approprié dans la population, c'est avec toute ma sympathie.

Sympathos, en grec, c'est souffrir avec.

Je vais porter avec toi une partie de ta douleur, de tes souffrances, puisque les souffrances, ce sont pluriels, elles ne sont pas que des douleurs somatiques.

Je vais porter avec toi.

Donc, cette notion de sympathie, elle est forte.

Deuxième chose, ne pas pouvoir aborder la finitude et, entre guillemets, l'anticiper sans faire de mort prématurée.

C'est subtil, mais c'est fondamental.

Il faut encore bien le savoir que ces fameuses obstinations déraisonnables qu'on évoquait tout à l'heure, c'est d'abord en fréquence la demande des familles.

Parfois un petit peu du patient parce qu'on ne lui a pas donné ses choix, cette autonomie qu'on lui donnait tout à l'heure.

Si le seul projet, c'est de souffrir, évidemment, il va peut être soit espérer qu'un gourou nous guérisse de quelque chose d'inguérissable, soit demander à ce qu'on le tue très vite, qu'on abrège sa vie.

Et parfois un peu la médecine et les médecins, mais on revient à cette notion d'alliance et de travailler ensemble.

Si on veut lutter contre la déraison de la médecine, si on veut lutter contre les abandons, il faut travailler ensemble parce qu'il faut que le projet fasse sens à tous les étages.

Et famille, société, patient lui même, évidemment, et l'ensemble des professionnels.

Donc, ce travail collectif, il me paraît important.

Dernière remarque que j'ai envie de vous faire, à partager avec vous aujourd'hui, c'est cette relation au risque que j'évoquais tout à l'heure.

Prendre des risques, ce n'est pas mettre les gens en danger.

J'aime cette subtilité.

Voilà, le risque fait partie de la vie.

Une métaphore qui n'est pas la mienne.

D'abord, on prend des risques pour quelque chose.

Quand vous montez sur votre vélo, vous prenez un risque.

Mais un risque qui fait sens parce que c'est pour aller dans un but.

Vous avez un objet.

Par contre, ce n'est pas la même chose de monter sur son vélo pour un but que de monter son vélo uniquement pour monter sur le vélo s'il n'y a pas de but.

Et puis, a fortiori, si vous montez sur votre vélo, mais que vous passez les feux rouges, que vous ne mettez pas votre casque.

Et là, effectivement, il y a une mise en danger.

Et cet équilibre est le grand paradoxe.

S'il y a bien un moment donné dans votre vie, vous avez le droit de prendre des risques.

C'est quand l'essentiel de votre histoire est joué et c'est là qu'on en croit le moins.

Voilà, c'est un peu théorique, mais c'est extrêmement important.

Mais le docteur, s'il fait ça, il pourrait tomber.

Mais le docteur, s'il fait rien, prenez l'histoire de la contention, cette fameuse liberté d'aller et venir.

La contention, tout le monde, depuis les études de 2000, on sait que la contention tue plus que.

Mais à un moment donné, si la personne tombe de manière inattendue, on pourrait nous le reprocher.

C'est assez intéressant.

Cet épisode de la Voix des Edents touche à sa fin.

Si vous voulez aller plus loin, vous pouvez consulter le parcours de formation Grandâge qui est disponible sur le site de la Compagnie des Edents.

Vous y trouverez de nombreux conseils pratiques et des tutos pour accompagner votre proche seigneur.

On vous met d'ailleurs le lien dans le descriptif de l'épisode.

Merci à Kuyen, à Susanna, à Chantal d'avoir accepté de témoigner sur leur situation.

Témoigner permet de faire exister la Voix des Edentes et des Edents et leur quotidien, parfois compliqué.

Merci aussi à Céline, à Eric d'avoir joué le jeu et de nous avoir éclairé aujourd'hui.

Si vous avez aimé l'épisode, n'hésitez pas à vous abonner au podcast, à en parler autour de vous et à mettre une note sur la plateforme d'écoute.

A très vite !