Je me suis arrêté parce que la vie a fait que je suis devenu aidant. J'ignorais complètement ce statut, l'existence des aidants, c’est-à-dire que quand on ne traverse pas certaines épreuves de la vie, on ne s'imagine pas ce que d'autres peuvent vivre. Donc là voilà, il y a cinq ans, ma femme a eu un grave accident de voiture. Elle est restée hospitalisé pendant un an et donc elle est rentrée à la maison avec des séquelles importantes puisqu'aujourd'hui elle a perdu l'usage de ses jambes notamment. Donc je suis devenu ses jambes et au début, j'ai cru que je pourrais assurer. Mais au fil du temps, je me rends compte que ça devient de plus en plus difficile à porter, à la fois physiquement et psychologiquement. La situation m’a changé. Je n'ai plus du tout le même rapport avec elle. J'ai plutôt un rapport protecteur, ce qui n'est pas forcément bon, voire ultra protecteur. Tout mon temps disponible, du lever au coucher, lui est consacré, ce qui veut dire que je n'ai plus de temps pour moi, même pas cinq minutes. Et ça, ça marche un certain temps. Après, voilà, il y a une fatigue qui s'installe. Le corps me signale que ça suffit, ou j'en fais trop, ou il faut que je le fasse autrement. Et votre femme, comment elle vit ça ? Vous parlez de votre rapport qui a changé... Eh bien elle se rend bien compte de... du changement qui s'opère, que je suis fatigué, usé. Donc elle essaie du coup de me demander de moins en moins de choses. Je m’en aperçois aussi et je sais qu'elle ne me les demande plus pour essayer de me soulager mais finalement, ça devient une relation biaisée. Voilà. Après, pour elle, c'est très difficile parce que je veux dire, sa vie a basculé en l'espace d'une seconde et... sa vie d'aujourd'hui ne ressemble plus du tout à la vie qu'elle avait avant. Et c'est encore aujourd'hui pour elle très, très difficile à vivre. Et vous travaillez encore ? Oui, je suis aidant. Mais mon travail s'est arrêté au moment de l'accident. Aujourd'hui, qu'est ce que vous recherchiez quand vous êtes venu là, c’était pour avoir quel genre d’orientation ? Déjà, j’étais content de me dire que j’allais rencontrer des gens qui se soucient des aidants. Et puis, si je suis venu là aujourd'hui, c'est parce que je sens que je suis sur le point de craquer et que si je craque, ce sera encore pire qu'avant et que du coup, peut-être que des gens qui sont ici avaient des conseils à me donner et je repars avec quelques pistes. Après, c'est encore des dossiers à remplir et je vous avoue que sur ce point de vue-là, je suis aussi usé. C’est marrant, à l'âge que j'ai et avec toutes les expériences de la vie du coup, que j'ai traversées, si vous voulez, le choc a été tellement violent que j'aurais espéré, mais voilà, ça n'existe pas, j’aurais espéré qu'on nous prennent vraiment par la main. Qu’une structure nous dise : “Voilà, vous êtes sérieusement touchés”, “Vous êtes sérieusement impactés”, “Vous êtes psychologiquement affaiblis”, “On va vous aider”, “On va faire ce qu'il faut pour que” “pour que vous puissiez aller mieux”. Et en fait, on s'aperçoit que ça n'existe pas, ça, Il faut encore monter des dossiers, encore raconter pour une énième fois ce qui est arrivé pour justifier de ce qu'on aimerait bien... de l'aide que l'on aimerait bien obtenir. Et au fil des ans, c'est aussi ça qui est épuisant. Ma Boussole Aidants, c’est une plateforme numérique d'information et d'orientation pour les aidants et leurs proches et également les professionnels. C'est un outil qui est très simple d'utilisation, qui permet en fait aux personnes d'indiquer où ils habitent ou une localisation, une ville et ensuite d'accéder à notre base de données et de pouvoir chercher des informations sur des aides à domicile s'ils veulent mobiliser des personnes pour aider leurs proches au domicile. Comment partir en vacances avec son coach en perte d'autonomie ou en situation de handicap ? Comment maintenir un loisir pour leur proche atteint de la maladie d'Alzheimer, par exemple. Mais également comment trouver du répit, prendre soin de soi, trouver de l'entraide. On va également les aider à décrypter les aides financières qui sont très souvent difficiles à décrypter et à s'inspirer via du contenu, des articles d'aidants et d'experts. Aujourd'hui, on est à plus de 70 000 structures et services référencés dans toute la France. On a une base de données qui est unique en fait, qui surtout est unique aussi par son aspect très, très large où on va avoir des informations qui vont concerner l'aidant lui-même. Ce que je disais sur le répit, le soutien, mais aussi les personnes âgées, les personnes en situation de handicap, les enfants, les personnes malades. Du coup, on décloisonne tout ça et on a une base de données très riche qui continue à évoluer grâce au travail de notre équipe en charge de la base de données, grâce au travail qu'on fait sur les territoires aussi avec nos partenaires et qui est vraiment une base de données vivante. On invite aussi les professionnels, les porteurs de solutions à venir se référencer via un espace professionnel et à mettre à jour eux-mêmes leurs informations. Donc, ça permet aussi d'être au plus proche de l'info. On a développé la plateforme en ajoutant une partie sur les événements. Donc maintenant, les aidants peuvent se connecter et accéder à toutes les informations sur des actions ponctuelles comme des ateliers, des cafés des aidants, des formations, des moments de convivialité. Et ça, ils vont pouvoir le retrouver. Et également sur la partie contenus, sur les articles, on a beaucoup étoffé le site et il est vraiment très complet aujourd'hui. Le Dispositif d'Appui à la Coordination de la Charente, c'est un dispositif qui est financé par l’ARS à 100 % et nous avons trois missions : la première, c'est de l'information et du conseil mais à destination des professionnels de santé à l'origine et maintenant aussi du grand public. Donc un médecin, par exemple, qui a dans son cabinet une personne pour laquelle il sent qu’il y a de l’isolement social, qu’il y a besoin de mettre beaucoup d'aides autour, le médecin n'a pas le temps de le gérer. Donc, à ce moment-là, il va nous appeler et il va dire : “Voilà la situation, est-ce que vous pouvez m’aider pour cette personne ?” Donc nous, à ce moment-là, on va soit informer et orienter juste vers les collègues d'autres dispositifs sur la Charente, soit on va se déplacer au domicile de la personne pour évaluer la situation et voir les actions à mettre en place. Alors là, justement, à ce moment-là, soit ça va être la personne elle-même qui va appeler notre numéro unique 0 809 109 109, soit ce sont les aidants et de plus en plus, ce sont les aidants qui appellent, et tout à l'heure, c'était le cas sur le stand, d'une dame qui dit : “Voilà, moi, je dois aider mes parents”, “Je dois tout faire pour eux” “Je n'en peux plus, je ne sais plus quoi faire”, “Ça joue sur mon travail, sur ma vie perso” et à ce moment-là, on va essayer de venir en aide. On va prendre contact avec le médecin traitant, on va évaluer les besoins. Est-ce que la famille, les parents, sont trop isolés et aujourd'hui, il faut leur mettre de l'aide aux repas ? Est-ce qu'on commence à devoir évaluer des troubles cognitifs ? Ou est-ce qu'au contraire on est, par rapport à l’aidant, de dire : “Attendez, il faut que vous preniez de la distance” “Regardez, il y a la Caravane, il y a la Maison de LÉA” “Il y a la plateforme des aidants” et on va essayer de les orienter pour les aider aussi. Je suis là par rapport à la Maison de LÉA, LÉA voulant dire “Lieu d'Écoute pour les Aidants”. On est une association qui, depuis 2020, a ouvert un lieu d’accueil pour les aidants et on l'a prolongé d'un bus itinérant qu'on appelle le Bus de LÉA qui est en fait un camping-car que nous voyons derrière nous. C'est ce qu'on appelle “l’aller vers”, qui est : comment je viens, comment des dispositifs comme le nôtre peuvent bénéficier à tout le monde ? Et du coup, plutôt que d'ouvrir des lieux sur le département, on a préféré aller vers les personnes. Alors on propose déjà de l'information, de la sensibilisation, de la connaissance des dispositifs. Dans le Bus, on propose du bien-être, de prendre un temps pour soi, une parenthèse de répit, je dirais. Et puis après surtout on leur propose de prendre contact, on prend contact pour eux s’ils le souhaitent, avec les professionnels de leur territoire. Et ça permet aussi de faire de l'animation de territoire. C’est-à-dire que les professionnels du médico-social peuvent se retrouver aussi sur le Bus, ce qui correspond tout à fait au dispositif de la Caravane des Aidants, mais à une échelle moindre. La question des aidants, c'est quelque chose de primordial en Charente, un département rural avec une population âgée importante et donc c'est important parce qu'en tant que Département de la Charente, nous finançons beaucoup d'associations et d'initiatives pour les aidants, familiaux ou professionnels. Et donc, c'est vraiment un engagement que nous avons au Département. Des groupes de parole, le Bus de LÉA, des associations d'aidants, l'Udaf, le Casa qui est un collectif de soutien aux aidants. Et donc, il y a un vrai engagement, une vraie mobilisation. Je me suis rendu compte un peu du parcours de combattant, c'est quelque chose qu'on entend souvent chez les aidants, c'est quelque chose que j'ai vécu aussi. Donc c'est vraiment quelque chose sur lequel on travaille au Département et avec les partenaires, de simplifier les démarches, l'accès, et qu’il y ait un lien entre tout le monde et qu'on sache à qui s'adresser parce qu'aujourd'hui c'est le principal problème.