D'abord, j'ai été aidante du père de mon fils pendant à peu près treize ans. Il avait des problèmes rénaux, donc il était sous dialyse, il a eu plusieurs greffes qui n'ont pas fonctionné. C'était compliqué, je ne vais pas rentrer dans les détails mais voilà, c'était très compliqué. Et là, maintenant, je suis aidante donc de quatre personnes, de mes deux parents et de mes deux tantes qui n'ont pas d'enfant. Donc une qui est la plus jeune, diagnostiquée Alzheimer mais bon pour l'instant, elle reste chez elle, ça va. L'aînée, ma tante, qui elle donc, a 89 ans, mais qui a perdu mon oncle il y a à peu près une dizaine d'années et là, maintenant, elle commence à avoir un peu des petites pertes de mémoire mais sinon elle est valide. Mon père et ma mère, qui sont dans l'Aveyron, mon père donc, qui allait bien, mais qui a eu un problème de hernie discale et ma mère qui est sous oxygène avec des problèmes pulmonaires depuis très jeune, mais qui se sont aggravés depuis quelque temps. Donc c'est mon père qui est vraiment aidant de ma mère et ma mère est très compliquée parce qu'elle refuse les auxiliaires de vie. Ils sont toujours à domicile, ils veulent rester à domicile. Donc ça aussi, c'est un autre cas de figure pour les aidants, parce que c'est compliqué, parce qu'ils ne veulent l’aide de personne, mais ils appellent au secours... Il y a de la culpabilité, il y a le devoir, il y a plein de choses qui se mélangent et on voudrait vraiment, vraiment les aider. Mais il y a des fois, qui nous aide à nous ? Moi, je pars du principe que je suis aussi importante, moi aidante, que les personnes aidées. Si moi je vais mal, qui va s'occuper d'eux ? C'est pour ça que je fais de l'accompagnement individuel parce que j'aurais aimé parler. On a besoin de vider le sac. On a besoin de parler toujours de la même chose, mais de vider ce sac. On le fait avec les amis, ils s'en vont, les voisins, ils s'en vont, la famille s'en va, c’est-à-dire qu’on parle toujours de la même chose donc socialement, on n'a plus personne. Puis vider son sac parce qu'on sait très bien que dès qu'on va sortir, on va le remplir, mais au moins le vider parce qu'à force de le charger, de le charger, de le charger, on ne peut plus avancer. Nous, on est des résidences services séniors, c'est l'intermédiaire entre la maison qui ne va plus et la maison de retraite. Donc on ne sommes pas médicalisés. Ce sont les intervenants médicaux extérieurs comme les infirmières, les kiné, qui interviennent dans la résidence. Donc, ce sont des vrais appartements adaptés pour les personnes à mobilité réduite. Donc on propose des T1, T2 et T3 et là, ils ont des espaces communs qui sont ouverts de 8h à 20h sept jours sur sept. Donc il y a toujours quelqu'un. Et ce qui est très important, c'est que de 20h à 8h, il y a toujours quelqu'un qui dort à la résidence et il intervient dans les cinq minutes. Ils ont un système de montre, ils appuient, ils sont tombés ou sont pas bien et nous, on intervient dans les cinq minutes. Donc en fait, c'est du 24h/24. Pourquoi je suis venue aujourd'hui ? C'est parce qu'on a aussi une solution de séjour, de répit pour les aidants. Dans nos résidences, on a des appartements tout meublés et donc ils peuvent venir se reposer, où tout est compris pour ces séjours, il y a la pension complète, ils font des activités, ils retrouvent un souffle. Ils viennent avec les personnes aidées ? Ils peuvent aussi oui, c’est arrivé. J'ai déjà eu des cas où l'aidé était là, mais pendant ce temps-là, l’aidant, lui, n’a pas besoin de faire des courses, il allait manger au restaurant. Il retrouve des liens sociaux qu'il avait perdus en aidant à domicile. Je suis la directrice générale de l'entreprise de l'économie sociale et solidaire qui s'appelle Les Béquilles du cognitif, qui est une entreprise qui conçoit des innovations technologiques pour les personnes atteintes de fragilité suite à une maladie, un accident, un handicap, l'avancée en âge, et leurs aidants. Donc finalement, on est bien sur les deux, les deux publics. Et ce qui nous importe, c'est de penser la technologie pour les deux. Penser cette synergie quand c'est encore possible de garder un lien et de soutenir l’aidant dans son rôle d’aidant qui est souvent non exprimé, c’est mon cas, et des personnes fragiles qui peuvent encore être chez elles, qui ont une certaine autonomie mais pour qui le quotidien est compliqué. L'inventeur de la solution Ami était aidant de sa maman, en tant qu'ingénieur et docteur en sociologie, en fin de compte il avait cette problématique de beaucoup d'aidants, que sa maman avait du mal à se souvenir des choses à faire au quotidien. Il avait, comme beaucoup d'entre nous, posé des post-it, des mémos, plein d'artifices possibles. Et puis, il s'est vite rendu compte que c'était très limité, qu'il fallait pousser le message au bon moment et surtout un message incarné par son aidant, donc lui. Et il a pensé cette technologie, aujourd'hui logée dans un duo d'applications mobiles, donc c’est “Ami aidé” et “Ami aidant”. On a pensé avec lui quand on l’a rejoint en 2021 à faire connaître cette innovation pour qu'elle puisse être installée sur du matériel déjà existant. Le défi technologique, c'était de ne pas créer du matériel technologique qui allait peut être servir que pour quelque temps, mais de pouvoir réemployer du matériel qui pouvait être déjà dans le quotidien des familles. Donc, un smartphone pour l'aidant sur lequel j'installe l'application Ami et pour, à l'autre bout de la chaîne, la personne fragile, il fallait que ce soit une technologie pour laquelle il n'y ait aucun effort, aucun apprentissage. Donc c'est une tablette et sur lequel Ami aidé est installé. Et les deux se connectent. Et grâce à cette connexion, moi aidante, je suis au travail, je vais pouvoir appeler la tablette avec une option de décrochage automatique, c'est-à-dire que je vois et j'entends dans la pièce où se trouve mon aidé sans qu'il n'ait aucune manipulation à faire. Et ça, c'était important pour rassurer l'aidant à tout moment, où que l'on soit dans le monde, ou peut être connecté à notre proche dont on se soucie. Même peut-être sans être celui qui au quotidien est avec lui sous le même toit ou à proximité, mais dont on aimerait pouvoir garder un lien. L’Agirc-Arrco finance par le biais d'une allocation de répit justement, C'est ce que je leur apporte comme info, du répit, comme pour financer du relayage ou de l'accueil de jour, de l'hébergement temporaire. Après, il y a des Cesu aidants aussi, qui permettent donc aux aidants d'avoir une aide à domicile pour du ménage et durant ce temps du coup, la personne ne fait pas les tâches domestiques et peut durant ce temps accompagner la personne aidée à faire d'autres choses en fait. J'ai trois enfants et je suis aidante de deux de mes enfants, donc j’ai mon ado qui a des soucis d’endométriose et mon dernier de sept ans qui a un syndrome inflammatoire, voilà donc il est suivi également pour ce syndrome-là et du coup en fait, je sais par quoi passent les aidants et notamment ce besoin de répit que je n'arrive pas à prendre moi-même mais que voilà, je dis aux personnes : “Prenez du répit pour éviter justement cet épuisement.” Quand on est aidant en fait, ça nous paraît normal d'accompagner son enfant, son parent, comme tout le monde. On culpabilise de dire non. En fait, c'est notre rôle. Mais au final, je me rends compte que oui, c'est notre rôle mais aussi on est avant tout des êtres humains et qu'à un moment donné, on a le droit de craquer et de se faire aider. Je suis venu voir parce que le CCAS a une forte politique gérontologique. On a 18 clubs de l'âge d'or, 7 Ehpad, un service social à domicile, un service infirmier de soins, infirmiers à domicile, un service d'aide à domicile. Donc on a... Mais on rencontre la difficulté pour trouver, pour contacter d’une part les aidants, il faut contacter les personnes âgées les plus isolées. Vous savez qu'on a une obligation d'avoir une liste, qu'on doit pouvoir mobiliser en cas de canicule ou en cas de très gros incidents climatiques. On s'organise vraiment pour la déployer, mais on n'arrive pas à franchir le cap de 2000 personnes sur cette liste, alors que potentiellement, il peut y avoir 15 000 personnes sur cette liste qui devraient y être. Bon, on devrait retirer ceux qui ont les aides des familles, mais ça nous intéresserait parce que ce serait le fichier des familles aidantes, qui nous permettrait de nous appuyer sur toutes les associations qui sont ici pour faire comprendre aux familles qu'elles ne sont pas seules, que le travail de prise en charge des personnes âgées, ce n'est pas un travail qui se fait de façon isolée, mais qu'on peut s'appuyer sur de la solidarité plus large et plus ciblée.