Nous avons bénéficié pour la première fois de notre vie, de la solidarité de notre entourage quant à l'achat de son fauteuil roulant manuel.

Évidemment, la couverture de la sécurité sociale n'était pas suffisante pour en faire l'acquisition.

On perd en statut, on perd en niveau de vie, on économise, mais pas pour partir en vacances, on économise parce qu'on sait qu'il y a des prises en charge et des aides financières de la MDPH, mais elles ne sont pas suffisantes.

Vous avez des enveloppes pour adapter votre véhicule qui sont de l'ordre de 10 000 euros, prises en charge certes pour moitié, environ 5 000 euros, mais il vous reste à charge à chaque fois des milliers d'euros.

Les rentrées d'argent, ça moindrissant, les dépenses avec l'âge augmentant, vous avez un effort quotidien, on en est arrivé à se dire, par exemple aujourd'hui, économiser pour aménager la salle de bain qui ne l'était pas du tout, et je rappelle que Kémy a 17 ans, qui fait ma taille, que ça commence à devenir compliqué, on ne manque pas par migrants, il fait 1,90 m, c'est l'effort physiquement.

Pendant notre échange, Sandra, que vous venez d'écouter, a répété plusieurs fois qu'elle était entrée très jeune sur le marché du travail et qu'elle avait réussi à avoir un bon emploi dans le secteur du conseil.

Quand Kémyl, son fils, a été diagnostiqué d'une maladie génétique rare, Sandra a été contrainte de réduire son activité, puis de quitter son travail.

Quelques années plus tard, son mari perd son emploi, leur vie change.

Pour eux, l'aidance est désormais aussi synonyme de précarité, car cela coûte beaucoup d'argent d'être aidant.

Un exemple concret, comme elle le dit dans ce témoignage, le couple a eu besoin d'une cagnotte pour payer la chaise roulante de leur fils.

Comment l'aidance est-elle un facteur de précarité et quelles solutions apporter à cette situation ? C'est le sujet du jour dont nous allons discuter dans la Voix des Aidants.

Je suis Yoram Meloul et vous écoutez le podcast de la Compagnie des Aidants.

Pour aborder ce sujet, j'ai à côté de moi Morgane Hiron.

Bonjour Morgane.

Bonjour.

Tu es déléguée générale du collectif Je t'aide, un collectif composé d'une trentaine de structures et d'aidants qui a notamment pour objectif de faire avancer le droit des aidants et des aidantes.

J'ai aussi à côté de moi Stéphanie Handler.

Bonjour Stéphanie.

Bonjour.

Tu es assistante sociale libérale et membre du cabinet LIPSocial.

Tu travailles avec plusieurs structures et vois tout type d'aidants, dont certains que tu suis depuis une dizaine d'années, ce qui te permet d'avoir du recul sur les situations qui peuvent exister.

Alors Morgane, je commence par me tourner vers toi.

Le collectif Je t'aide a sorti en juin 2019 un rapport intitulé « Pour qu'aider ne rime plus avec précarité ».

Cette précarité des aidants, comment tu la définis ? Quand on parle de précarité, on parle d'une absence d'une ou de plusieurs sécurités, et notamment celle de l'emploi qui permettent aux personnes d'assumer leurs obligations professionnelles, familiales, sociales.

Et donc on voit que la précarité peut conduire à la pauvreté quand elle affecte plusieurs domaines de l'existence et qui va ou pas durer dans le temps, et ne permet pas encore une fois aux personnes tout simplement de vivre, d'assumer leurs responsabilités, de faire aussi des projets dans le temps, et qui va donc restreindre leurs choix au quotidien sur différents domaines.

Stéphanie, tu es assistante sociale.

Concrètement, comment je fais pour avoir accès à tes services quand j'ai un besoin, où je vais trouver une assistante sociale ? Le service social est accessible auprès des services publics, notamment en mairie, dans les centres d'action sociale.

Vous pouvez également le trouver à l'hôpital, notamment pour les prises en charge spécifiques, où là vous pourrez avoir un accompagnement, en tout cas un conseil et une orientation.

Et puis également après, sur les dispositifs plus spécialisés, dans les établissements médico-sociaux, en service à part.

Mais la première porte d'entrée en tout cas, si on ne sait pas où s'adresser, ça peut être d'aller au centre d'action sociale communal ou du département, et ensuite vous serez adressé vers le service social compétent.

Et puis aussi il y a des assistantes sociales en entreprise.

Et vous avez aussi la possibilité d'avoir des interlocuteurs au sein de certaines entreprises, où ça peut être intéressant puisque là du coup, vous pourrez avoir un accompagnement et sur la sphère personnelle et sur la sphère professionnelle, et notamment vous accompagner dans le maintien d'emploi.

J'imagine que la précarité, c'est d'abord celle du travail que les aidants ne parviennent pas forcément à garder ? Souvent ça va débuter par des arrêts perlés, c'est-à-dire que l'aidant va devoir trouver des solutions pour pouvoir s'absenter de son travail, pour pouvoir accompagner le proche à des rendez-vous médicaux, lors de ses soins, ou parfois à l'annonce du diagnostic.

Et puis de ces absences perlées deviennent des absences continues, avec clairement un impact financier, mais aussi un impact sur l'évolution professionnelle, parce qu'un aidant qui n'est pas au travail, c'est quelqu'un qui ne peut pas évoluer professionnellement.

Et donc ça, c'est vraiment préjudiciable.

Le moment de l'entrée dans l'aidance, est-ce que c'est un moment particulièrement critique ? Est-ce qu'il y a des aides qui existent quand on commence à être aidant ? Alors, l'entrée dans l'aidance, elle est compliquée parce qu'elle est aussi spécifique à chaque situation, à chaque problématique de santé.

On a notamment sur les annonces de diagnostic, finalement le besoin ne va pas forcément être immédiat, mais plutôt évolutif, donc on va pouvoir anticiper.

Et puis d'autres sur des chocs, voilà des annonces plus importantes de handicap.

On peut prendre notamment la situation des enfants.

Là, il faut tout de suite faire une réorganisation et de la vie familiale et de la vie professionnelle, trouver des solutions justement pour pallier à la baisse des ressources, notamment.

Donc, il y a quelques solutions financières, mais clairement qui ne sont pas satisfaisantes pour compenser la perte de ressources.

Concrètement, qu'est-ce qui existe ? Alors, on a la JPA pour les proches aidants, notamment qui sont en fin de vie, ou sur des soins palliatifs, enfin, oui, sur des soins palliatifs.

Et on a la JPP pour les proches aidants de parents ayant des enfants en situation de handicap.

Ce qu'on peut également proposer, ce qui est intéressant, c'est vraiment d'initier notamment le don de congé en entreprise pour éviter en tout cas la perte financière dans l'immédiat.

La précarité de l'aidance vient aussi creuser des inégalités qui existent déjà.

C'est notamment ce que m'a dit Christelle.

Elle est aidante de sa mère dépendante qui est en EHPAD et a une retraite insuffisante pour payer l'établissement où elle se trouve.

Elle a quitté, Christelle, un milieu populaire et a eu l'impression de faire un bond en arrière.

Je suis issue d'un milieu populaire, 95 de Val-d'Oise dans la partie non conçue, donc côté Villiers-le-Bel-Sarcelles.

J'ai fait des études supérieures, ce qui n'a pas été le cas de mes parents, mais en tout cas, pour ma mère, c'était une réussite.

Je le vivais aussi comme ça, je suis devenue cadre, je suis devenue propriétaire, les prêts à la conso, tout ça, c'était fini, c'était fini.

D'acheter des steaks à crédit à Sofinco avec des taux usuriers, vous voyez, tout ça, c'était fini.

J'en avais fini et j'ai dû aller à la banque pour leur dire je ne peux plus baisser la mensualité.

Je me suis sentie misérable.

C'est ça le mot, je me sens misérable.

Morgane, il y a des publics plus susceptibles d'être précarisés par l'aidance ? Aujourd'hui, ce qu'on voit, c'est qu'aider creuse les inégalités existantes.

Donc, sur l'ensemble des aidants, la question de la précarité financière ne va pas se poser de la même manière.

Et donc, ce qu'on voit, c'est que les personnes qui avaient des ressources en amont, à la fois des ressources économiques, des ressources sociales, des ressources aussi culturelles, qui vont avoir du patrimoine immobilier, qui vont avoir une famille, des amis, des conjoints qui vont pouvoir les aider financièrement.

L'aidance va venir les impacter, mais ne va pas forcément les faire basculer dans la précarité.

Par contre, effectivement, ce qu'on voit, c'est que des publics déjà fragilisés en amont, qui sont un peu sur le fil, qui sont dans une situation d'équilibre.

Là, on va voir que l'aidance peut tout à fait les faire basculer.

Et j'aimerais pointer le cas de deux publics spécifiques qui sont premièrement les femmes, puisque la plupart des aidants sont des aidanteux et qui, du coup, en général, ont des revenus moins importants.

C'est elles qui vont se mettre à temps partiel, par exemple, dans un couple hétéronormé, qui ont un enfant en situation de handicap, qui sont à la tête le plus souvent, à 80% des cas, de familles monoparentales et qui vont être la seule source de revenus du foyer.

Et pour elles, l'enjeu de garder un emploi, comme ça a été dit, est très, effectivement, crucial.

Et puis, la deuxième catégorie de population qui est importante, c'est toutes les personnes, encore une fois, qui ont peu de diplômes, peu de revenus et qui vont même, malgré les aides, avoir énormément de difficultés à vivre, à la fois à l'instant T, mais encore une fois, comme ça a été dit, dans le temps, parce que si la situation se dégrade, là, les questions aussi se posent sur le long terme aussi.

On aura l'occasion de revenir sur le long terme.

Il y a un public dont j'aimerais aussi parler, c'est les jeunes.

Tu ne l'as pas évoqué là, des aidants qui font leurs études et qui doivent travailler à côté.

Stéphanie, toi, tu en rencontres ? Plutôt des jeunes qu'on renonce aux études, qui sont partis dans la vie active, justement pour pouvoir répondre à un besoin de prise en charge financière.

C'est-à-dire que ça arrive que ce ne soit pas faisable de mener de front les études et l'aidance ? Notamment parce qu'on l'a évoqué, il y a le coût aussi de la prise en charge.

Il y a du reste à charge aujourd'hui, même si on met en place un plan d'aide à domicile ou en tout cas, le plan d'aide, souvent est insuffisant pour pallier aux besoins de la personne aidée.

J'ai notamment la situation en tête d'une jeune femme qui a débuté son activité professionnelle pour pouvoir compléter le financement des aides à domicile, puisque le plan n'a pas justement, il y avait un reste à charge pour l'aider.

Et qui plus est, en plus, a dû renoncer à son logement autonome pour aller vivre avec son père, pour pouvoir veiller aussi la nuit sur lui, en fait, parce que c'était un monsieur qui était extrêmement anxieux et donc, elle a renoncé à son autonomie, à son indépendance pour pouvoir, en tout cas, être présente le soir, lui préparer son repas et la nuit, se lever s'il y avait besoin.

Morgane, est-ce que tu as des chiffres ou peut-être quelque chose à rajouter sur la situation des jeunes aidants face à la question de la précarité financière ? Ce qu'on voit sur la situation des jeunes aidants adultes, donc on va parler des jeunes entre 18 et 30 ans qui sont dans un moment d'études et d'insertion professionnelle, on voit qu'effectivement, la question de l'aidance va avoir des choix, va impacter leur choix d'orientation, à la fois sur le lieu d'orientation.

La consultation nationale qu'on a menée montre que 27% des jeunes aidants disent avoir choisi un lieu d'études proche géographiquement de leur famille.

Donc, peut-être de renoncer à des grandes villes étudiantes, peut-être des études un peu plus exigeantes pour être plus proche de sa famille et que 34% disent avoir fait leur choix d'orientation en fonction de leur situation.

Et comme ça a été dit par Stéphanie, des fois de faire un choix d'études plus courte pour avoir un métier ou en tout cas, entrer sur le marché de l'emploi beaucoup plus rapidement pour effectivement subvenir aux besoins de la famille.

Donc, on voit que ça a un impact des fois très jeune sur également l'orientation et donc aussi les revenus qu'on espère en tirer aussi.

La précarité financière, elle a des conséquences aussi et entraîne d'autres types de précarité.

Je pense notamment au logement.

Comment ça se passe à ce niveau-là ? Est-ce qu'il y a des aides prévues pour les aidants et les aidés au niveau du logement ? Alors, quand une famille, en tout cas, où une personne est en difficulté pour se maintenir dans son logement du fait de sa problématique de santé, on peut soit envisager de faire un aménagement du domicile quand c'est possible et notamment solliciter un fonds de compensation auprès de l'AMDPH, mais aussi auprès des caisses de retraite complémentaires, que ce soit pour mettre en place, par exemple, une douche de plein pied, installer des rampes.

On peut tout à fait essayer de faire des montages, même si parfois, ils sont insuffisants parce qu'on prend aussi en compte les ressources du conjoint, des personnes qui sont présentes au niveau du foyer fiscal.

Et puis, l'autre possibilité, c'est-à-dire quand on n'a pas la possibilité de faire les aménagements de domicile, je peux prendre, par exemple, la situation d'un enfant qui serait en fauteuil, qui vit au premier étage sans ascenseur.

Là, il va falloir envisager de faire soit une demande de mutation locative auprès du bailleur, soit de faire reconnaître la situation prioritaire, notamment par le DALLO.

Néanmoins, dans ces situations, on reste quand même dans des délais d'attente extrêmement longs qui fragilisent ces situations et clairement aussi compromettent la démarche de santé de ces personnes.

Parce que quelqu'un qui est au premier étage sans ascenseur, clairement, dès qu'il va falloir aller, que ce soit à l'hôpital, chez le médecin traitant ou tout simplement à l'école, c'est extrêmement compliqué.

Donc, notamment dans le parc privé, il va falloir se rapprocher notamment de l'ANA ou, pourquoi pas, de Solia pour avoir un accompagnement, que ce soit pour les propriétaires, mais aussi pour les locataires en accord avec le propriétaire pour pouvoir être accompagnés dans les plans d'aménagement du domicile.

Après, quelqu'un qui est dans le parc privé et donc qui est dans un logement qui n'est pas adapté, donc le sac le plus simple souvent, c'est le logement inaccessible du fait d'un handicap moteur, mais on a aussi, par exemple, les enfants autistes.

Souvent, on a un problème autour des gardes corps dans les logements.

Là, clairement, le parc privé ne va pas pouvoir répondre, en tout cas, ne va pas pouvoir contraindre le propriétaire à faire les adaptations.

Donc, il va falloir peut-être envisager de s'orienter vers le parc social, sauf qu'on va être sur des délais d'attente qui sont extrêmement longs.

Quelles conséquences ça a pour les gens ? Comment font les gens que tu accompagnes ? Les situations sont très insatisfaisantes.

On peut avoir des situations de danger sur lesquelles il va falloir qu'on bricole des solutions.

Ça veut dire quoi concrètement ? Eh bien, sur les histoires de garde corps, par exemple, j'ai des personnes qui ont installé des moustiquaires avec des morceaux de tasseau, pour tenir les fenêtres fermées, en tout cas.

C'est ce genre d'histoire.

Ah oui, du vrai bricolage.

Du vrai bricolage.

Il y a une autre question qui se pose quand on parle de précarité, c'est celle du coût de l'énergie.

Il y a eu beaucoup d'inflation ces derniers mois, ces dernières années.

Ça a un impact sur les gens que tu accompagnes ? Alors là, sur les derniers mois, en tout cas, le service social a été pas mal sollicité pour de l'aide financière pour faire face aux charges d'énergie, notamment pour les personnes qui sont sous respirateur, mais aussi qui ont besoin de recharger les batteries de leur équipement, où là, ça a flambé et clairement, ça a aggravé encore plus la situation de précarité.

C'est quoi comme type d'aide ? On va, par exemple, pouvoir s'orienter vers ce qu'on appelle le fonds de solidarité énergie quand on relève des plafonds, mais on peut aussi s'adresser aux caisses de retraite pour avoir une aide financière exceptionnelle.

Quand on a réfléchi à cet épisode, on a eu le réflexe de se dire que ce qui entraîne la précarité des aidantes et des aidants, c'est l'entrée dans l'aidance et les coûts qui y sont associés.

Puis, j'ai discuté avec vous deux et vous m'avez dit attention, c'est surtout sur le long terme que se jouent ces questions-là.

Christelle a un travail stable dans lequel elle a pu rester et pourtant, les différents coûts associés à la situation de sa mère l'empêchent désormais d'épargner.

Quand vous avez des frais, il faut les régler tout de suite.

Et les aides pour des demandes que j'ai faites pour notre mère, en termes administratifs, c'est de l'ordre de six mois.

Donc, six mois à attendre une aide dont vous ne savez pas quel va être le montant.

En fait, j'ai été obligée de me débrouiller.

Donc, c'est pour ça que maintenant, mon treizième mois tombe, je me le fais payer alors qu'avant, non.

Et c'est pour ça que ça va créer une précarité à long terme parce qu'avant, je me créais une épargne, je mettais de l'argent de côté soit pour ma retraite, soit pour d'autres choses.

Aujourd'hui, je ne fais plus ça, je vis à flux tendu.

Alors Morgane, tu l'as évoqué un peu tout à l'heure, pourquoi dire que la précarité des aidants, c'est d'abord une question de long terme ? Ce qu'on voit effectivement, c'est que déjà, on ne se voit pas toujours devenir aidant.

Je pense que c'est aussi important de rappeler qu'une personne sur deux ne connaît pas le mot aidant, que c'est au fur et à mesure qu'on va lire des choses, discuter avec son entourage, être alerté par peut-être un documentaire, un film, une émission radio, qu'on va commencer à mettre des mots sur sa situation et qu'on va commencer à aller creuser, à se dire, mais est-ce qu'il existe justement des aides ? Qui peut m'accompagner ? Est-ce que c'est mon employeur, une assistante sociale, la mairie ? Et que ce qui est aussi très long dans la gestion de la précarité, si on peut dire que la précarité peut être gérée ou en tout cas dans la gestion des finances, c'est qu'on met déjà énormément de temps avant de trouver les informations pour ensuite faire les dossiers, pour ensuite recevoir l'argent et pour ensuite peut-être faire des choix plus radicaux ou en tout cas de se dire que la situation n'est plus tenable et qu'on a besoin soit d'enclencher des choix de vie différents, soit de mettre aussi à contribution d'autres membres de la famille quand on parle d'une fratrie par exemple.

Donc c'est effectivement sur la notion du long terme, c'est qu'on va mettre longtemps avant de trouver l'information, on va mettre du temps avant de toucher les aides, on va mettre peut-être du temps avant de se rendre compte que oui, l'aidance précarise et qu'est-ce qu'on fait de cette information-là ? Là, effectivement, le choix revient à chacun et malheureusement dans beaucoup de situations, il y a très peu de choix parce qu'il y a très peu d'aides et qu'on se retrouve assez rapidement des fois dans une sorte d'impasse, une situation subie qui va nourrir un certain nombre de frustrations, de colère, d'épuisement et aussi un certain ressentiment vis-à-vis des pouvoirs publics avec l'impression de se débrouiller seul.

Et c'est vrai que tout l'enjeu, c'est d'évoquer quelles sont les différentes pistes possibles en temps quédant quand on a l'impression aussi, et qui n'est pas toujours une impression, une réalité, d'être dans une impasse aussi précaire.

Alors, évoquons justement les pouvoirs publics.

Comment on pourrait changer cette situation ? Qu'est-ce qui pourrait être fait différemment ? Qu'est-ce qui pourrait exister pour que l'aidance ne précarise pas ou en tout cas précarise moins ? Aujourd'hui, les préconisations que porte le collectif Je T'Aide, elles sont de plusieurs ordres puisqu'on a vu que la précarité des aidants est issue de plusieurs sources.

La première chose, c'est qu'effectivement, les plans d'aide des personnes aidées ne sont pas suffisants.

C'est déjà la première source de précarité, c'est que le reste à charge pour les personnes aidées n'est pas suffisamment élevé.

C'est-à-dire que c'est une manière de dire que des aidés précaires précarisent leurs aidants, d'une certaine manière.

Tout à fait.

Donc, effectivement, les premières préconisations qu'on fait, c'est d'augmenter les plans d'aide des personnes aidées pour que le reste à charge soit nul, déjà, premièrement.

Deuxièmement, c'est comment on permet aux aidants de se maintenir en emploi, voire même, rêvons d'avoir, de continuer l'évolution dans leur carrière professionnelle.

Et également, quand on est obligé de s'arrêter, comment c'est compensé par la solidarité nationale à travers des trimestres supplémentaires de retraite et effectivement des aides financières diverses et variées qui aujourd'hui sont très peu nombreuses pour les aidants, puisque la plupart des aides financières sont quand même attribuées aux aidés.

Et peut-être pour rajouter le fait que ce qui est terrible, c'est que les aidants sont contraints de réduire leur activité professionnelle ou d'arrêter de travailler.

Pourquoi ? Parce qu'il n'y a pas assez de structure et de professionnels pour leurs personnes aidées.

Ça veut dire que c'est quand même, effectivement, une précarisation qui commence déjà par un déficit de prise en charge.

Je voudrais rajouter par-dessus qu'en effet, il y a des délais de traitement aujourd'hui qui sont complètement dingues.

Quand on sait qu'un dossier MDPH, quand tout va bien, on arrive à peu près à six mois d'attente, il suffit qu'on ait un peu de PCH en aide humaine ou en aide matérielle.

Donc c'est la prestation de compensation du handicap qui notamment peut financer de l'aide humaine pour les personnes qui ont besoin, par exemple, pour faire des soins de toilette ou de la PCH matérielle pour un fauteuil roulant, un appareil auditif, un ordinateur, notamment aussi même pour les jeunes scolarisés.

On va très rapidement arriver sur des délais de 12 à 18 mois en Ile-de-France.

En attendant, les familles doivent avancer ses fonds.

Là, j'ai récemment accompagné une femme seule qui accompagne sa fille de 19 ans, situation de handicap, qui a un cancer et se retrouve fragilité de maintien en emploi.

On a pu négocier la situation d'avoir des dons de jours par l'entreprise, ce qui a quand même vraiment limité l'impact.

Mais sa fille, elle est en Seine-Saint-Denis.

On a mis 24 mois à obtenir une AAH et le plan de compensation pour le maintien à domicile, pour que cette femme puisse reprendre le travail.

Donc tu dis qu'il faudrait que ça aille un peu plus vite au niveau administratif.

Oui, il faudrait vraiment que ça ait des accords presque automatiques.

Dès qu'il y a un diagnostic médical de posé, en tout cas, qu'on puisse faciliter l'entrée et l'ouverture des dispositifs.

J'aimerais qu'on évoque un point d'actualité plus récente, puisque tu as évoqué la retraite.

Est ce que la réforme des retraites, dont on a beaucoup parlé ces derniers mois, va avoir un impact sur la précarité des aidantes et des aidants? Aujourd'hui, l'analyse qu'on fait de la réforme des retraites de 2023, c'est qu'elle va avoir des impacts plutôt négatifs en global sur les aidants pour plusieurs raisons.

La première, c'est que cette réforme des retraites telle qu'elle a été analysée, va davantage précariser les femmes ou en tout cas, ne pas forcément aider une compensation.

Or, la plupart des aidants sont des aidanteux.

La deuxième chose, c'est qu'on voit que beaucoup d'aidants doivent partir à la retraite en anticipé, pas parce qu'ils en ont envie, mais parce qu'ils en ont besoin pour s'occuper de leurs proches et donc allonger l'âge de départ à la retraite, fait que beaucoup d'aidants qui déjà n'arrivaient pas à aller jusqu'au bout, là, pourront encore moins y arriver et donc, du coup, ne pourront pas cotiser à taux plein.

Et puis, le dernier élément, c'est que certes, il y a eu des trimestres complémentaires et supplémentaires inscrits dans la loi, mais ça ne concerne qu'une petite partie des aidants, à savoir les parents d'enfants en situation de handicap, les modalités, les détails n'ont pas forcément encore été rendus clairs pour tout le monde et qu'encore une fois, si des droits sont créés, à quel point vont-ils vraiment être connus des aidants, utilisés et encore une fois, toujours réservés à seulement une partie des aidants et pas aux 11 millions d'aidants.

Je voudrais rajouter, donc on peut demander à bénéficier justement des trimestres supplémentaires donc sur le dossier MDPH, il y a un volet qui concerne les aidants et si la personne est reconnue à plus de 80% de handicap, donc déjà, ça limite énormément le public, la personne a le droit à huit trimestres supplémentaires sur sa carrière.

Je voudrais rajouter un complément parce que ça me semble super important, il faut savoir qu'aujourd'hui la PCH, donc aide humaine et la part en fait, ne peuvent pas être versées aux conjoints.

Voilà, et donc notamment, on a beaucoup de femmes qui arrêtent de travailler en fin de carrière pour s'occuper du conjoint malade et en se disant je vais toucher une prestation en fait en tant qu'aidant et en fait non, on n'a pas de prestation possible sur ces situations.

Ça concerne beaucoup de monde ou pas le RSA ? Tu as des gens qui t'accompagnent, qui demandent le RSA parce que c'est la seule aide qui leur est accessible ? J'ai quelques situations en effet, notamment les enfants qui n'ont renoncé à travailler et qui perçoivent le RSA pour s'occuper de leurs parents et donc là, on est clairement sur de la désinsertion professionnelle majeure où clairement, tant que la situation des parents ne sera pas stabilisée, voilà, on ne pourra rien enclencher.

Et souvent, on est sur des profils, alors en tout cas de ce que j'en ai vu, sur des profils de personnes qui ont des pathologies lourdes et chroniques en fait qui sont très installées où l'adulte, enfin l'enfant en tout cas, a évolué dans cet environnement familial.

Donc la prise en charge de ses parents lui incombe comme s'il y avait une charge morale et finalement ne vient pas se questionner sur les autres possibilités en tout cas pour lui aussi en termes d'autonomie et de projet de vie.

Et sur la séance chômage, alors je ne sais pas si la question est pertinente ou pas.

La situation notamment des parents qui, à l'annonce du handicap de leur enfant, renoncent en tout cas aussi à reprendre une activité professionnelle donc vont se maintenir au chômage.

Alors il faut savoir que maintenant, quand on s'inscrit au chômage, dans le formulaire, est demandé avez-vous un proche en situation de handicap ? Avez-vous des contraintes pour l'accompagner ? Alors je ne sais pas trop ce qui, voilà à quoi ça sert.

En tout cas, aujourd'hui, ça fait quand même partie des éléments dans l'étude de la recherche, en tout cas de l'accompagnement.

Mais sur ces situations, j'ai également eu des personnes, malheureusement, des mamans qui ont été radiées de Pôle emploi en leur indiquant, mais vous n'êtes pas en recherche d'emploi puisque vous n'êtes pas disponible.

Donc après, il faut faire tout un travail de recours auprès de Pôle emploi, ce qui n'est pas toujours très simple.

La précarité, c'est aussi le regard des autres et le regard que l'on porte sur soi.

Christelle, que l'on a entendu tout à l'heure, a voulu débloquer son épargne salariale, mais les critères fixés par la banque lui étaient insupportables.

Par exemple, je pouvais débloquer mon épargne salariale si j'étais en sur-endettement.

Mais pour moi, c'est la honte sociale.

C'est une honte sociale.

De là où je viens, mon parcours, je ne peux plus.

Vous voyez, le sur-endettement, je sais qu'on a connu ça.

Pour moi, ce n'est pas entendable.

Et donc je me dis, alors OK, c'est quoi la solution, vous voyez ? Et il y avait ce critère-là, sur-endettement.

Je me suis dit, mais moi, je n'ai pas envie d'être sur-endettée.

Je suis trop luttée, moi, pour eux.

Et quand j'ai demandé à retirer en me disant que je suis aidante, on m'a dit, non, ça ne fait pas partie des critères.

Je te vois faire oui de la tête.

Ce sont des choses que tu entends ? Sur le déblocage des fonds, oui, c'est un critère.

Après, en tant qu'assistante sociale, on peut parfois, avec un rapport social, permettre le déblocage.

Mais en effet, sans accompagnement, on est dans des petites cases à cocher.

Donc, il faut être clair, ce n'est pas possible.

Et puis, il y a aussi le regard que peuvent avoir les autres, qu'on peut avoir sur soi vis-à-vis de cette précarisation-là.

J'imagine que ça n'aide pas à avancer quand on se retrouve à être vu comme un précaire, comme ça, d'un coup, du jour au lendemain.

Moi, ce que j'entends dans ces différents témoignages, c'est qu'aujourd'hui, c'est ce qu'on voit tous les jours, c'est que les aidants, malgré le fait qu'ils sont nombreux, malgré le fait que c'est vous, c'est moi, on est tous concernés.

Malgré le fait qu'ils font économiser des milliards à la puissance publique parce qu'ils pallient les dysfonctionnements du système.

Malgré tout ça, les aidants ne sont pas visibles.

Malgré tout ça, les aidants ne sont pas reconnus pour leur rôle, doivent tous les jours lutter pour prouver ce qu'ils font, pour pouvoir expliquer, doivent expliquer, se justifier constamment auprès de différents interlocuteurs.

Et ce sentiment-là de fatigue, c'est effectivement le regard que les autres posent, qui est encore aujourd'hui un regard ou une vision comme quoi ce serait une question intime, familiale, un coup de pas de chance, quelque chose qui est très.

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Voilà, qui serait de l'ordre des fois du hasard, alors qu'en fait, c'est un vrai sujet social, sociétal.

Et comment aussi on permet de changer le regard sur ces questions-là, de dire qu'on est tous concernés, que ce n'est pas une tare et comment ça rentre aussi un peu dans les mœurs, dans la norme, de dire oui, je suis aidant et alors, tu le seras ou tu l'as déjà été.

Et comment aussi toutes les administrations, les acteurs, et là, ça a été évoqué, les banques s'adaptent à cette situation et créent les cases pour qu'elles existent et que les aidants puissent causer simplement.

Et que ça n'ait pas d'aussi lourds impacts sur leur santé physique et psychique.

Les gens qui nous écoutent, ils sont dans des situations difficiles concrètes aujourd'hui.

C'est-à-dire qu'il y a un problème global, mais eux, ils se retrouvent face à des situations qui sont difficiles.

Est-ce que parfois, Stéphanie, tu dois trouver les bons mots pour les convaincre d'aller faire ce dossier en plus ? Même d'accepter d'avoir une aide quand on dit ben voilà, il faut se mettre en surendettement pour avoir l'aide.

Comment tu fais face à ces situations de j'en ai marre, ça y est, stop, j'en peux plus ? Alors, c'est des situations qui sont compliquées et clairement qui vont s'inscrire dans l'accompagnement en cours.

Un aidant, moi, je le vois jamais une fois.

C'est-à-dire qu'il y a l'entrée dans l'aidance, on voit, ça évolue.

Et puis ces personnes, finalement, on va les suivre tout au long de l'évolution du projet de vie, de la santé de la personne aidée, mais aussi la santé de l'aidant.

Parce que notamment, on a touché deux mots, mais bon, ils sont extrêmement impactés.

Et leur santé, en fait, mine de rien, est importante parce que c'est aussi ça qui va permettre leur capacité de mobilisation.

On retrouve souvent quand même des aidants qui sont déprimés.

Donc, quand la dépression s'installe chez l'aidant, c'est aussi beaucoup de difficultés dans la mise en place des plans d'aide.

En tout cas, moi, sur le plan social, je le vois.

Et donc, c'est un travail de patience, d'accompagnement et de réajustement tout au long de la prise en charge.

Il n'y a pas de solution toute faite.

Il n'y a pas de projet dessiné.

C'est, en fonction de chacun, des ressources financières, des ressources personnelles et familiales et de l'évolution de l'état de santé aussi.

Parce que dans certains cas, malheureusement aussi, on doit envisager des recherches d'établissement, et de faire appel à un réseau professionnel, en tout cas pour la suite de la prise en charge.

Le conseil, en tout cas, qu'on donne aux aidants, c'est que de toute façon, les évolutions se font à plusieurs niveaux.

C'est qu'à la fois, c'est le rôle des associations, des structures, de faire en sorte qu'il y ait plus d'aide, que les démarches soient plus simples, qu'elles soient plus rapides.

Ça, c'est une première chose.

En attendant que tout ça se mette en place, malheureusement, beaucoup de choses reposent encore sur les aidants.

Et c'est vrai que le conseil qu'on donne effectivement toujours, c'est de se faire accompagner sur différents plans, d'en parler à son médecin traitant pour qu'il ou elle soit vigilant à son état de santé, en parler quand c'est possible à son employeur pour aménager son poste, aménager ses horaires.

Et effectivement, le rôle crucial des assistantes sociales qui sont là pour constituer les dossiers, parce qu'effectivement, tout seul, ce n'est juste pas possible.

Et comment on sort de ce binôme aidant-aider pour constituer un groupe, pour constituer un écosystème qui va être composé de professionnels, de proches, de bénévoles, parce qu'il existe aussi des associations qui vont venir soulager les aidants.

Des fois, ce n'est qu'une heure par mois, mais c'est déjà ça.

Et comment aussi on change cette image qu'on a d'un binôme pour se dire non, ce n'est pas un binôme, c'est peut-être un binôme qui a une relation très particulière et forte, mais qui est entouré et on va venir piocher pour différentes tâches, différents moments de la journée, différents moments de l'année, des aides pour répartir la charge sur différents interlocuteurs et qu'il y ait le moins possible de charges sur seulement les épaules d'une personne.

Sortir les aidantes et les aidants de la solitude et de l'enfermement, c'est aussi une manière de lutter contre la précarité.

Ce sera le mot de la fin de cet épisode.

Merci Morgane, merci Stéphanie d'avoir été présente sur ce plateau pour évoquer le sujet de la précarité des aidants.

Merci aussi à Sandra et à Christelle d'avoir accepté de témoigner pour La Voix des Aidants.

Si vous connaissez des personnes concernées par la situation, n'hésitez pas à partager avec elles cet épisode du podcast.

Vous pouvez aussi écouter les autres épisodes de La Voix des Aidants sur votre plateforme d'écoute préférée ou sur le site internet de la compagnie des aidants.

Pour ma part, je vous dis à très vite !