J'ai la chance d'avoir une épouse, c'est un service secret, je suis sous haute surveillance.

Quand on allait voir en consultation les médecins, 90% du temps, elle était avec moi.

Pourquoi ? Parce qu'elle voit des choses que moi, malade, j'occulte ou que je ne veux pas dire aux médecins.

Elle était là pour dire, il y a ça qui s'est passé, il y a ça qui se passe, il y a ce désagrément.

Ils voient des choses que l'on ne voit pas.

Par exemple, à un certain moment, j'ai eu des problèmes au foie.

Quand vous avez des problèmes au foie, vous avez le temps qui change.

Mais moi, je ne m'en suis pas aperçu.

Les dents, les poux ou la femme, ils ne regardent plus personne, parce qu'ils ne sont pas concernés, mais ils voient.

Et ça, c'est très important.

Comme nous, on est à côté, on voit quand il respire mal ou des trucs que pour eux, c'est banal.

Je signale ce que lui ne signale pas parce qu'il pense que ce n'est pas grave.

Il passe à côté de choses qui sont assez graves.

Bonjour et bienvenue, je suis Yoram Meloul et vous écoutez La Voix des Aidants, le podcast de la Compagnie des Aidants.

Nous venons d'entendre le témoignage de Lucien et Monique.

J'ai rencontré le couple à Marseille et nous avons discuté un peu dans leur cuisine, autour d'un café.

Lucien est atteint d'une leucémie myéloïde chronique et Monique est sa femme, mais aussi son aidante.

Dans cet épisode, nous allons nous intéresser à la relation entre aidants et aidées.

Comment en définir les contours ? Quelles limites lui apporter ? Comment en gérer les impacts ? Dans La Voix des Aidants, nous allons nous pencher sur des témoignages et essayer de répondre aux questions que vous vous posez.

Pour cela, j'ai avec moi, autour de la table, Claudie Culac.

Bonjour Claudie.

Bonjour.

Tu es directrice générale de l'association La Compagnie des Aidants, que tu as fondée il y a 12 ans, suite à tes expériences en tant qu'aidante.

Ici, il y a aussi Maria Ouazani.

Bonjour Maria.

Bonjour.

Maria, tu es psychologue clinicienne.

Tu as notamment travaillé avec un cabinet de conseil dans lequel tu as participé à la construction d'un programme de prévention dédié aux salariés aidants.

Tu collabores aussi depuis décembre avec La Compagnie des Aidants.

Claudie, je commence par me tourner vers toi pour mieux comprendre de quoi on parle.

S'il fallait faire un peu un tableau, quelle est globalement la nature des relations entre aidants et aidées ? Écoute, j'ai envie de rebondir tout de suite aux témoignages de Lucien et de Monique, parce que je dis souvent que l'aidant est au cœur du parcours de santé de son proche, de l'annonce du diagnostic jusqu'à la fin de vie, avec la bonne observance des médicaments.

Il est évidemment les yeux du médecin, parce que, comme le dit très justement Lucien, et le dit aussi d'ailleurs Monique, il va être capable de dire aux médecins comment son proche réagit aux médicaments.

Est-ce que, tu vois, quand il est devenu tout jaune, elle a tout de suite réagi.

Et puis alors, ce qui est intéressant, ce qu'on constate, nous, en échangeant avec des aidants qui ont un proche malade, c'est que cet aidant, il veut absolument sauver la vie de son proche.

Parce que le patient, lui, il dit « Foutez-moi la paix, je ne veux pas tout savoir sur ma maladie ».

Souvent, tu vois, il est un peu qui vivra verra.

Alors que l'aidant va complètement s'investir, il va aller chercher des infos, il va essayer de comprendre, parce que son but, c'est sauver son proche.

Parce qu'il y a de l'amour, on le voit bien, entre Lucien et Monique.

Alors justement, Lucien et Monique avaient déjà une relation qui préexistait.

Ils sont mariés depuis un certain temps.

Marie-Alain, je vais me tourner un petit peu plus vers toi.

Quand on a un parent qui devient dépendant, quand on a un proche justement qui tombe malade, comment on fait pour trouver ce nouvel équilibre qui est forcément différent de celui qui pouvait exister avant la perte d'autonomie ? Être aidant, c'est, auprès d'un proche dépendant, c'est une histoire de relation, déjà.

Une histoire de relation préalable qui préexistait avant l'arrivée d'une maladie, d'un handicap, d'une situation de dépendance.

Et cette relation va évidemment se renouer différemment avec son proche, tout en gardant en tête que la personne qui décide de s'engager auprès de son proche est avant tout une épouse, une fille, une sœur, un mari.

Et évidemment, cette relation, cette dyade, cette dynamique qui se crée, va s'intégrer avec la survenue de la maladie, qui souvent est un moment très fort de bouleversement, où chacun va rechercher une nouvelle place auprès de l'un et auprès de l'autre.

Et l'aidant va renoncer à certains aspects de sa vie, mais au profit de son proche.

Justement, dans la voie des aidants, on essaie de donner des conseils.

Comment on fait pour trouver un équilibre dans cette relation ? Est-ce qu'il y a un moment où il faut se poser et se dire voilà, désormais, notre relation, elle sera différente ? Quelles seront les règles qui vont la régir ? La situation d'être aidant, de devenir aidant, elle repose sur deux choses.

Déjà, il y a la survenue de la maladie, qu'on n'attend pas, qu'on n'a pas choisie, que ce soit pour le concerné et pour l'aidant, qui vient bouleverser l'équilibre de toute une famille.

Et puis, il y a un changement, c'est-à-dire qu'il y a toujours un avant et un après, une dimension d'appropriation, des remaniements profonds, à la fois personnels, relationnels, qui va amener à recréer une nouvelle relation où chacun va s'approprier sa place.

Alors évidemment, ça ne se fait pas d'un seul coup.

Tout ça est bien progressif.

Chacun s'approprie déjà l'aider, sa maladie, la situation qui est la sienne.

Il va prendre le temps de s'approprier l'impact au niveau de sa propre souffrance, mais aussi au niveau de ses nouveaux rendez-vous médicaux, de son quotidien.

Et l'aidant va accompagner ce changement et va pouvoir trouver une place auprès de lui.

Je pense qu'il y a une chose qui est très importante, c'est qu'avant d'être un patient, on reste le mari, le fils, la fille.

Tu vois, de garder toujours cette place.

Tu l'as évoqué tout à l'heure, Lucien parle de Monique en s'amusant que c'est comme les services secrets.

Est-ce qu'il n'y a pas un risque aussi que les aidants, en voulant bien faire, s'imposent un peu trop ? Est-ce qu'ils n'ont pas cette tendance à vouloir un peu tout faire, à être présents absolument partout ? L'engagement auprès d'un proche dépendant, qu'il soit âgé, handicapé ou malade, demande un certain engagement qui va reposer sur un certain nombre de choses, par amour, par devoir, par nécessité, et tout ça s'impose.

Il va falloir aussi s'approprier ces questions-là.

Et quand un aidant va prendre ce rôle auprès de son proche, il a tendance à vouloir porter une partie de la souffrance de son proche.

Il va vouloir réduire un petit peu de sa souffrance et de la prendre pour lui.

C'est ça qui va être un peu le moteur, c'est cette relation affective, leur histoire, mais aussi de devoir combattre avec lui, à ses côtés, les effets de la maladie.

Et ça est un élément important qui va amener l'aidant à porter, parfois trop, parfois au-delà de ce qu'on lui demande.

Ce que tu me dis là, c'est que la relation aidant-aidé, c'est beaucoup une question de loyauté qu'on a à l'autre.

Oui, tout à fait.

Il y a un devoir par rapport à son proche de l'aider.

Et effectivement, ça fait partie de la nécessité pour lui d'être présent à ses côtés.

J'aimerais qu'on rentre dans quelque chose d'encore plus concret dans cette relation aidant-aidé et dans les limites qu'il peut y avoir.

Et là, je vais me tourner vers toi, Claudie, parce que je sais que tu as des positions là-dessus.

Être aidant, ça veut aussi dire rentrer dans l'intimité des aidés.

Et il y a des gestes qui parfois sont, alors peut-être pas imposés, mais en tout cas que les aidants doivent faire, notamment quand l'aidé est adulte, par exemple, je pense à la toilette.

Quelle est ta position là-dessus ? Est-ce que c'est vraiment à l'aidant de faire ce type de geste ? Ma position, elle est très claire.

L'aidant doit garder sa place.

Si c'est l'épouse, elle n'a pas à faire la toilette de son mari.

Si c'est la mère, elle n'a pas à faire la toilette de son fils adulte en situation de handicap.

On milite depuis des années pour que les plans d'aide soient plus musclés et que ce soit des professionnels qui fassent ces gestes techniques qui ne doivent pas être faits par l'aidant.

Il y a des limites à garder, tu vois.

Je veux dire, une épouse, au début de la relation, jamais elle ne va faire la toilette de son mari, sauf s'ils sont en train de s'amuser, c'est différent.

Mais en tous les cas, au quotidien, elle ne va pas gérer ces questions d'intimité.

Donc, elle doit garder sa place.

Et pour ça, ce sont les professionnels qui doivent intervenir.

Alors, j'ai envie de dire, ça c'est la théorie.

En pratique, concrètement, comment ça se passe ? C'est-à-dire comment je fais pour que des professionnels viennent chez moi si je n'ai pas les moyens d'embaucher des auxiliaires de vie tous les jours pour venir faire la toilette de ma femme, de mon mari ? D'abord, il faut absolument se faire aider.

Il y a un vrai souci, effectivement, de reste à charge pour les familles.

Mais il y a des solutions.

Quand on s'occupe d'un parent âgé, il faut absolument faire une demande d'APA.

On peut aussi avoir une ordonnance pour des soins infirmiers, d'aide soignante.

On peut se rapprocher de sa mutuelle, de sa caisse de retraite.

Il ne faut pas rester seul.

Il faut aller, par exemple, au centre communal d'action sociale, le CCS, au centre local d'information et de coordination, s'il y en a un, pour avoir les informations et ensuite mettre en place les services qui vont bien pour prendre en charge ce proche fragilisé.

Cependant, ce qu'on constate aujourd'hui, c'est que trop souvent, les familles sont amenées à faire des soins par défaut d'argent, mais aussi parce que nous sommes dans une période où ces métiers sont en tension.

Donc, il est important que les aides à domicile aient des conditions de travail décentes, des revenus décents, et qu'elles soient formées aussi et que tout le monde les considère.

Parce que parfois aussi, les aidants ne se rendent pas compte que ce sont des gens qui ont une formation, qui ont beaucoup d'empathie, qui savent particulièrement bien s'occuper de nos proches, même mieux d'ailleurs qu'un aidant.

Donc, il faut apprendre à les respecter et à créer une relation entre l'aide à domicile et le binôme aidant aidé qui soit acceptable par tous.

Et Mariella, je me tourne vers toi sur le versant psychologique de cette question-là.

Est-ce que ça a un impact psychologiquement pour l'aidant de se retrouver avec un proche qui fait sa toilette ? Tu as été confrontée, toi, à des personnes qui te parlent de ça et de ce que ça leur fait ? L'aidant, à ce moment-là, effectivement, il reste quand même un proche pris entre deux feux, on va dire, dans cette ambiguïté où il doit à la fois avoir cette place de proche et puis, des fois, d'être un peu le prolongement des professionnels et des soignants.

On lui demande quelque part aussi d'avoir des fois cette place et de pallier à ses manques et c'est souvent pour l'aidant important qu'il ait à la fois accès à l'information, qu'il sache qu'il n'est pas forcément naturel d'accepter de faire la toilette de son proche.

Ce n'est pas parce qu'on est proche, intime, qu'on est le plus à même de faire cette toilette au risque parfois que ces gestes, qui sont parfois techniques, soient mal préparés ou que ça engage des changements dans la relation que l'aidant et l'aidée pourraient éviter ou en tout cas préserver.

Oui, c'était un peu ça ma question, ça peut engager des changements dans la relation.

Oui, oui, tout à fait.

Ça amène à des liens entre l'aidant et l'aidée qui ne s'engagent plus sur les mêmes bases que ce qu'ils avaient avant et donc voilà.

Oui, Claudie, oui.

Et puis, quand on ne sait pas faire les gestes, on peut se blesser ou on peut blesser son proche.

On a des aidantes qui sont complètement cassées aujourd'hui parce que ça fait des années qu'elles manipulent un enfant qui est en situation de handicap.

Donc, il faut aussi penser à cela.

Je vais passer un peu à une seconde phase de cet épisode.

J'aimerais vous faire écouter toutes les deux un autre témoignage, c'est celui d'Armand.

Armand, il est aujourd'hui âgé de 30 ans et quand il en avait 19, les médecins lui ont diagnostiqué une sclérose en plaques.

Après plusieurs années de difficulté à gérer sa maladie, Armand a réussi à s'organiser pour mener ce qu'il appelle des aventures.

Il a fait le tour de Corse en pédalo.

Il est aussi parti au Pôle Nord, y compris avec sa famille.

Et il lui dit que pendant longtemps, ses parents se sont focalisés sur lui et que sa maladie a créé de la souffrance dans sa famille, ce qu'il ne comprenait pas il y a encore quelques années.

Ils ont été surprotecteurs.

Ils ont notamment délaissé ma petite sœur qui était en pleine crise d'ado.

Ma petite sœur délaissée en a voulu à moi.

Donc ça, ça n'a pas été évident à gérer.

On a eu quelques années d'embrouilles bien construites.

On avait du mal à échanger des choses.

Et aujourd'hui, avec le recul, en grandissant tous les deux, on a appris à s'apprivoiser de nouveau.

Aujourd'hui, ça se passe super bien.

Mes parents ont un comportement qui me semble normal quand on ne sait pas comment réagir.

À un moment donné, je leur ai fait comprendre que ce n'est pas de la manière dont je voulais vivre et être aidé.

Et du coup, je me suis lancé dans mes aventures en leur faisant bien comprendre ce que je voulais faire de ma vie, comment et pourquoi.

Et à partir du moment où ils ont compris, ils ont été mes premiers soutiens.

Au début, ils me voyaient déprimé dans mon canapé, ce qui a failli me conduire au suicide.

Et finalement, aujourd'hui, je peux faire des choses qui semblent, pour le commun des mortels, risquées.

Mais ils me voient épanoui et ça fait toute la différence.

J'aimerais vous faire réagir sur la première partie de ce témoignage.

Charmant, le trio, puisqu'il parle de ses parents, a pris le dessus sur les autres relations familiales.

Comment on gère ça ? Comment faire pour éviter que les autres membres de la famille ne soient pas mis de côté ? Déjà, un défi pour les parents, c'est d'accueillir le handicap, la maladie d'un de leurs enfants.

Ça les mobilise énormément, ils ont la tension première parce qu'un de leurs enfants est dépendant ou souffre d'une maladie.

Ils vont avoir tendance à mettre toute leur énergie sur un des enfants.

Quand la question de la fratrie se pose, ils constatent souvent que les frères ou les sœurs vont s'effacer par culpabilité.

Ou en tout cas de se dire qu'ils ne sont pas face aux mêmes difficultés.

Cet effacement et l'attention des parents va créer une dynamique où un des enfants, celui qui souffre d'une affection, est le centre de l'attention, le centre du rythme et de la vie familiale pour combattre un certain nombre de choses du quotidien.

Tout ça ne se dit pas toujours sur le moment, c'est le cas de ce témoignage.

C'est-à-dire qu'on est dans un cheminement où cette personne peut le dire aujourd'hui, peut le formuler aujourd'hui, peut renouer un dialogue avec sa sœur là où peut-être ce n'était pas possible à ce moment-là.

Ça veut dire qu'il faut nécessairement du temps pour que ça se débloque ? Le dialogue est important au sein d'une famille, y compris au moment où elle doit faire face, au moment même de l'annonce.

Il y a une attention à avoir sur ce dialogue-là, qui peut être d'ailleurs accompagné par des professionnels, notamment des psychologues, une thérapie familiale ou un soutien à la parentalité, peut aider des parents à se rendre compte, à prendre conscience de ce que ça implique aussi pour les autres enfants de la famille.

Claudie, c'est des situations auxquelles tu as été confrontée ? Il y a une histoire qui résonne en moi tout à coup.

Au début, quand j'ai créé la compagnie des aidants, je participais à beaucoup de colloques, de focus groupes avec d'autres aidants.

Je me rappelle lors d'un colloque, un couple de parents nous racontant que leur enfant, dès l'âge d'un an, a une maladie dont le pronostic vital était engagé, avec à peu près cinq ans de vie à venir.

Et ils se sont absolument focalisés sur ce troisième enfant, avec encore une fois l'idée de sauver leur enfant.

Moi, je comprends, j'aurais fait pareil.

Mais leur témoignage était intéressant parce qu'ils avaient absolument envie de montrer que le fait de s'investir sur cet enfant avait eu des conséquences sur leurs deux précédents enfants, qui étaient un peu plus âgés, adolescents, et que ces deux enfants ont eu des conduites à risque.

Donc, ils ont été déscolarisés, ils se sont drogués, enfin des trucs bien compliqués.

Et donc, ils étaient là surtout à se faire aider parce que c'est sûr qu'en tant que parent, on veut absolument sauver son enfant.

Mais quand il y a trois enfants dans la famille, il ne faut pas délaisser les premiers.

Et c'est un sujet que j'aborde beaucoup dans les hôpitaux, pour que les assistantes sociales tout de suite mettent en place des solutions pour ne pas laisser les autres enfants seuls.

Ne serait-ce juste que pour contrôler les devoirs, des petites choses comme ça, vous voyez.

Donc, je suis tout à fait touchée par le témoignage d'Armand et j'ai vu ça à plusieurs reprises dans mon expérience d'aidante et de responsable.

J'aimerais qu'on réécoute à nouveau Armand, parce qu'il est un peu venu bousculer l'idée que j'avais de la relation entre aidant et aidée.

Pour lui, le risque de cette relation, c'est que l'aidée ne soit vue que par le prisme de la maladie.

Pour moi, ce n'est pas forcément la personne handicapée qui doit être aidée.

Ce n'est pas forcément la personne valide qui doit être aidante.

Il y a bien un échange.

Je vais vous donner un exemple.

Quand on est parti au Pôle Nord, en Canada, il y avait des malades, des valides.

On s'est rendu compte qu'à des moments, évidemment, c'est les malades qui avaient besoin d'aide.

Mais inversement, à des moments, c'est les valides qui avaient besoin d'aide.

Je me suis dit qu'en fait, on peut être handicapé et aussi aider des gens.

On peut être valide et aussi recevoir l'aide d'un handicapé.

Ça a complètement bouleversé ma vision des choses en me disant qu'on parle bien de situation de handicap.

On ne parle plus de personnes handicapées et de personnes valides.

Tout dépend de l'environnement et de l'entourage.

La mariage me tourne vers toi.

Les relations aidant-aidée, c'est un peu plus fluide que ce qu'on pourrait imaginer ? Ça dépend.

Mais effectivement, ces relations recoupent beaucoup de situations différentes à chaque fois.

Ça dépend de la nature de l'affection.

Ça dépend aussi du lien que l'aidant a avec son aidé.

Ça dépend de leur histoire.

Ça dépend aussi du pronostic.

Il y a des pathologies évolutives, d'autres qui se stabilisent.

Mais là, dans ce témoignage d'Armand, il y a vraiment quelque chose d'intéressant qu'il soulève.

C'est de pouvoir se dire qu'il n'a plus envie qu'on le voit sous le prisme de ce qu'il ne sait pas faire, de ce que les autres ont pu pallier.

Et il veut faire reconnaître la place et l'importance qu'il peut avoir au sein de la société, dans ses relations, dans ses relations sociales.

Il veut aussi qu'on le voit un peu moins plaqué sur ce qu'il ne sait pas faire au quotidien.

Et ça, c'est un élément important dans la relation aidant-aidée.

C'est que l'aidant a évidemment tendance à vouloir pallier et à vouloir compenser ce que le proche ne sait pas faire ou ne sait plus faire.

Mais l'aidé, de son côté, a vraiment besoin qu'on lui rappelle qu'il y a aussi des choses qui lui apportent, lui, à l'aidant.

Souvent, les aidants aussi se confient et peuvent dire à quel point l'aider, et cette situation d'aidant, ça a pu lui apprendre beaucoup.

Donc, c'est aussi une relation dynamique d'apprentissage et d'expérience mutuelle.

C'est très bien parce que tu fais la transition vers le dernier témoignage que j'aimerais vous faire écouter.

C'est Monique, à nouveau.

Elle raconte ce que, justement, l'annonce de la maladie et ses suites a changé dans la relation qu'elle a avec Lucien.

Moi, mon mari, il a des activités en dehors de la maison qu'avant, je lui ai dit, oui, c'est le soir, ça ne me plaît pas, tout ça.

Maintenant, j'ai dit, tu as des activités, vas-y.

Lui, il aide beaucoup de malades, vas-y.

Donc, je l'encourage à avoir une vie en dehors de sa maladie.

On s'est aperçu qu'on s'aimait vraiment parce qu'on ne sait jamais dans la vie.

Il y a des gens qui partent à 60 ans, ils changent de femme ou les femmes changent d'homme.

Et nous, par rapport à la maladie, on s'est aperçu, un et l'autre, qu'on s'aimait vraiment.

Alors, Claudie, je te vois faire de grands gestes avec les yeux.

Ce témoignage, qu'est-ce que tu en penses, comment tu réagis ? Il ne faut pas surprotéger le proche malade, il faut le laisser un peu respirer.

Sinon, très vite, ce couple peut exploser parce que l'un et l'autre vont étouffer, vont se détruire.

Et on rencontre parfois des couples comme ça qui ne tiennent pas parce que l'aidant est peut-être trop sûr à l'aider.

Et l'aider aussi, le patient, peut être tellement compliqué à gérer qu'il y a des aidants qui ne sont pas du tout prêts à vivre cela, que ce soit l'époux, l'épouse ou un compagnon de toujours.

Justement, quand les couples explosent ou quand les situations deviennent difficiles, Claudie, qu'est-ce qui est possible ? Ce qui est possible, c'est la médiation familiale.

C'est simple, il suffit de se rendre au centre communal d'action sociale dont j'ai parlé déjà, et de récupérer les coordonnées de l'association qui opère sur le territoire où on se trouve.

Et c'est génial parce que c'est des professionnels qui vont aider à dénouer ces situations complexes.

Ça peut être des frères et sœurs qui se disputent autour d'une maman malade ou âgée.

Ça peut être des situations où il n'y a plus de dialogue, il n'y a plus d'échange ou des crispations énormes.

Donc il faut un tiers, ce tiers de confiance, c'est la médiation familiale.

Rentrer dans cette relation-là, ça change aussi peut-être le rapport au temps.

On peut se dire, j'ai moins de temps avec mon proche.

Maria, peut-être je me tourne vers toi.

Comment c'est géré ça ? Est-ce que c'est quelque chose de classique d'avoir cette réaction-là communique comme Armand aussi ? De dire, là il faut que je profite ou je vais laisser profiter mon proche.

Le rapport au temps, c'est directement lié aussi aux pronostics et au temps qui nous reste avec son proche.

On ne va pas vivre évidemment de la même manière la situation.

Un aidant auprès de son proche ne s'engagera pas de la même manière si, on va dire, un pronostic vital est engagé dans un an et dans une situation peut-être plus évolutive, plus lente.

Ou au final, on sait qu'on aura son proche pendant les 10, 15, 20 années à venir.

Bien entendu, quand on est face à une maladie, une infection qui engage un pronostic vital et on sait que son proche va bientôt mourir, ou en tout cas le pronostic est celui-là, l'aidant va avoir tendance à ne pas s'autoriser de moments de respiration.

Il va vouloir profiter au maximum de cette relation.

Il va vouloir aussi réduire, amoindrir sa souffrance.

Et c'est comme un rapport au temps où on est engagé presque exclusivement auprès de son proche.

Et ça joue énormément dans les moments où on va pouvoir s'autoriser à se ressourcer, à respirer.

Et souvent, c'est l'aidant qui demande justement à son aidant d'aller justement respirer.

C'est souvent l'aider d'ailleurs qui définit finalement la place que l'aidant va avoir, qui définit les contours.

C'est lui qui l'autorise à aller vers un ailleurs.

Et souvent, c'est une attention aussi de dire à son proche aidant qu'il y a autre chose que moi dans la vie.

Il y a aussi d'autres choses que tu dois investir, y compris au moment où je serais partie.

L'impression que j'ai, c'est que ça se joue quand même beaucoup entre les deux personnes.

Est-ce qu'il y a une aide psychologique qui est proposée aux aidants et aux aidées pour définir leur relation ? Souvent, c'est à leur demande que ça s'engage.

Ou alors quand des professionnels interviennent à domicile et constatent une tension, un mal-être, quelque chose qui ne fonctionne pas.

Les professionnels infirmiers, médecins, aides-soignants peuvent suggérer à l'aidant ou à l'aidée de pouvoir rencontrer un psychologue.

Donc, c'est effectivement quelque chose qui leur permet à plusieurs titres de créer un espace différent avec un professionnel avec qui il va pouvoir parler de ce qu'il ressent, de sa souffrance, de ses craintes, de ses angoisses, de sa culpabilité aussi, de sa relation avec l'aidé.

Et souvent, ça peut effectivement être un espace où il va pouvoir réfléchir et prendre du recul à l'engagement qu'il a auprès de son proche.

Oui, Claudie, tu voulais réagir.

Oui, lorsque nous sommes en contact avec des aidants qui accompagnent un proche malade sur la tournée, nous, ce qu'on leur recommande, c'est de rejoindre les associations de patients.

C'est très important de ne pas rester seul.

Et souvent, les associations de patients travaillent avec des psychologues, mais surtout, il y a la paire aidants.

Et ça, pour moi, c'est très important de pouvoir échanger avec un aidant ou un autre patient pour pouvoir mieux comprendre ce qu'on ressent et comment on accompagne un proche malade.

Merci Claudie et merci Maria d'avoir été là avec nous aujourd'hui pour parler de la relation entre aidants et aidées.

Merci aussi aux aidants et aux aidées qui ont accepté de témoigner.

Il y a 11 millions d'aidants en France.

C'est 11 millions de cas particuliers.

Tous sont singuliers.

Et bien sûr, nous avons conscience de ne pas pouvoir traiter toute la diversité des situations.

Merci aussi aux auditeurs et aux auditrices d'avoir passé ce moment avec nous.

Pour ma part, je vous dis à très bientôt pour un nouvel épisode de La Voix des Aidants, le podcast de la compagnie des aidants.