Je souffre de différents maux, comme le bruxisme par exemple.
Je ne peux pas m'empêcher de serrer les dents, mais c'est la nuit et le jour.
J'ai beau essayer de me détendre, de me calmer, je n'y arrive pas parce que je suis arrivée à un tel point d'épuisement physique, le corps est très abîmé.
Je n'ai pas pu contrer tout l'impact du stress.
Je suis quand même soutenue par un psychiatre qui me donne des antidépresseurs.
Ça m'a beaucoup aidée parce qu'on est confiné dans la maladie.
On est enfermé là-dedans.
On ne peut pas aller au restaurant comme on veut, on ne peut pas aller au musée, on ne peut pas partir en vacances.
Tout ça peut prendre des proportions très importantes pour certaines familles.
Je suis moi-même devenue assez maniaque et assez obsessionnelle.
Par exemple, le vendredi, qu'il pleuve, qu'il vende, qu'il neige, je ne travaille pas.
S'il faut quelquefois d'ailleurs, je peux rester un à deux jours entiers dans mon lit.
Bonjour, je suis Yoram Meloul et vous écoutez La voix des aidants, le podcast de la compagnie des aidants.
Nous venons d'entendre justement la voix d'une aidante, Céline.
Elle est la mère de William, 13 ans, qui est atteint du syndrome de Prader-Willi, un syndrome génétique rare.
Son témoignage nous permet d'introduire la thématique de notre émission, la santé mentale des aidants et des aidantes.
Je vous donne un chiffre, un seul, qui dit déjà beaucoup de l'ampleur de la situation.
Pour 60% des aidants, le risque de développer des pathologies liées au stress ou au surmenage est supérieur au reste de la population.
Pour discuter de ce sujet, nous sommes avec Claudie Culac, aidante à plusieurs reprises et désormais directrice de la compagnie des aidants.
Bonjour, Claudie.
Bonjour.
Et l'autre personne qui nous accompagne pour cet épisode, c'est Maria Ouazani.
Tu es psychologue clinicienne et tu collabores notamment avec la compagnie des aidants.
Bonjour, Maria.
Bonjour.
Alors, Maria, ma première question s'adresse à toi.
On va faire un petit point définition.
Très simplement, quand on parle de santé mentale, de quoi parle-t-on ? Alors, quand entend-on par santé mentale, déjà une première définition, celle de l'OMS, qui définit la santé comme un état de bien-être à la fois physique, mental et social.
Cette première définition nous permet une première représentation de ce qu'est une santé globale et qui n'est pas uniquement portée sur la santé physique ou sur la maladie organique, mais également de retenir l'idée qu'il n'y a pas de santé sans santé mentale.
Alors, pour se donner quand même quelques repères, on peut dire qu'une bonne santé mentale ne se caractérise pas uniquement par l'absence d'une pathologie, un trouble psychiatrique, mais aussi par un vécu subjectif de bien-être qui renverrait notamment à un sentiment de sécurité interne, externe, à un vécu de confiance en soi, un sentiment d'accomplissement de sa propre existence.
C'est-à-dire qu'on peut avoir une santé mentale qui est dégradée sans être malade ? Alors absolument, on peut ressentir son vécu, une insatisfaction, une difficulté qui pourrait être liée au fait qu'on n'arrive pas à faire face à ce qu'on vit.
Claudie, je me tourne vers toi.
Parmi les aidants que tu as rencontrés, est-ce qu'ils ont conscience des effets que leur position d'aidant va avoir sur leur santé mentale ? Je voudrais rajouter des choses d'abord, si tu me permets, au propos de Maria.
C'est très clair.
Merci, Maria.
Ces situations dans lesquelles on se retrouve sans avoir, si tu veux, décidé de s'y retrouver, qui sont des situations un peu de rupture.
Par exemple, moi, quand on m'a annoncé que papa était Alzheimer, tu penses que c'était la sidération.
Donc forcément, ma santé mentale, à ce moment-là, en a pris un coup.
Parce que je me suis posé mille et une questions.
Et donc, il y a plein de moments dans la vie de chacun où on a des annonces qui peuvent nous perturber, perturber cette santé mentale.
Alors, pour répondre à ta question, je peux te dire que pendant la tournée, nous avons beaucoup, beaucoup d'aidants qui viennent nous parler des troubles qu'ils rencontrent parce que cette charge mentale que représente un proche fragilisé a des conséquences sur eux.
Tu prends quelqu'un qui travaille et qui sait que son proche est tout seul à la maison toute la journée.
Forcément, il y a un moment dans la journée où ça va un peu vriller dans sa tête.
Elle va se poser mille et une questions.
Est-ce qu'il a mangé ? Est-ce qu'il s'est levé ? Est-ce qu'il n'est pas tombé ? Est-ce que tout va bien ? Donc, ça, ça va quand c'est deux, trois jours.
Mais sur la durée, quand ça dure 10, 15, 20 ans, forcément qu'à ce moment-là, les dents, il est un peu fragilisé.
Il t'en parle facilement de ses difficultés parce que l'impression que j'ai, moi, quand on est aidant, c'est qu'on se met un peu à côté de l'aider et que du coup, ce qui compte, c'est l'aider.
Et ma santé mentale, à moi en tant qu'aidant, elle importe un peu moins.
C'est là où les associations sont essentielles.
Parce que si tu veux, après 11 ans d'existence, il y a beaucoup d'aidants qui nous connaissent.
Donc, ils arrivent assez spontanément vers nous et puis ils posent leur valise.
Tu as des femmes qui arrivent et qui se jettent dans mes bras, qui pleurent et qui racontent leur souffrance.
Tu as des gens qui demandent à être isolés pour pouvoir justement raconter ce qu'est leur quotidien, les difficultés.
Tu as des gens qui ne veulent absolument pas qu'on les voit, par exemple, parce que pour eux, ce serait montrer un peu qu'ils sont faibles ou qu'ils ne sont pas à la hauteur.
Parce que les aidants, encore une fois, veulent bien faire.
Et tu as raison, c'est-à-dire que leur propre santé passe après la santé de leurs proches.
Donc, ils vont se charger, charger la mule, charger la mule jusqu'à un moment d'épuisement, en fait.
Tu as parlé tout à l'heure de ce qui te tombe un peu dessus quand tu entres dans les danses.
Mais ça, c'est quelque chose qui n'est pas forcément si évident que ça.
Comment on entre dans les danses ? À quel moment on peut être considéré comme aidant ? L'entrée dans les danses, elle n'est pas forcément d'emblée quelque chose que l'aidant se dit.
Ça se caractérise surtout par la survenue de la maladie, de la dépendance, quelque chose qui s'impose pour l'aider, mais aussi pour l'entourage et donc l'aidant.
C'est aussi tout un bouleversement de vie pour la personne.
Alors, Claudie rappelait ce terme de rupture qui est tout à fait juste.
C'est-à-dire qu'on parlait de la santé mentale.
C'est un équilibre à trouver entre différents aspects de sa vie.
Et cette situation des danses vient faire rupture dans cet équilibre de vie.
Et l'aidant va redevoir retrouver une nouvelle façon de retrouver un équilibre avec cette nouvelle donne d'aider un proche qui, effectivement, sollicite beaucoup en énergie, en temps et sur la durée.
Donc, il y a réellement, objectivement, une charge qui est de l'ordre de sa mobilisation en temps et en énergie.
Et puis après, il y a d'autres éléments qui mobilisent énormément.
C'est le contact avec la maladie, la découverte de nouveaux gestes, la culpabilité, la peur de mal faire ou de faire mal qui mobilise extrêmement l'aidant tout au long de son accompagnement.
Je vous propose de continuer cet épisode en écoutant à nouveau Céline sur, justement, l'idée qu'à un moment, on devient aidant.
Tout d'un coup, je me suis rendu compte qu'il y avait un terme qui expliquait toutes ces plaintes que j'avais, toutes ces souffrances, toute cette vie hors normes que j'avais.
On m'a dit mais Madame, vous êtes aidante.
Et à partir de ce moment-là, au lieu de me soumettre à la maladie en me flagellant, en me disant c'est moi qui ai mis au monde un enfant malade, c'est moi qui suis la maman, c'est moi qui dois faire plus, c'est moi qui dois compenser, etc.
Tout d'un coup, je me suis dit mais finalement, je fais ce que je peux.
Je pense avoir fait le max et j'ai le droit, j'ai le droit comme tout être humain de boire un thé tranquillement.
J'ai le droit de prendre du temps pour moi.
J'ai le droit de me respecter.
Voilà, on entre dans l'aidant, c'est une chose, mais savoir qu'on est aidant, c'en est une autre.
Et ça peut visiblement faire du bien, Claudie.
Ben oui, les mots pour le dire.
Je n'ai rien inventé, c'est-à-dire qu'il faut mettre des mots sur des situations.
Et le mot aidant est un mot important.
Combien de personnes je croise qui me disent ah non, je suis la mère, je suis la fille.
Mais dès que tu commences à discuter avec elles et que tu creuses un peu en disant ah oui, mais moi aussi, je suis maman.
Mais moi, mes filles adultes, elles sont indépendantes alors que toi, tu vas t'occuper de ton enfant durant toute la vie.
Donc là, tu es aidante.
Et aidant, ça veut dire quoi derrière ? C'est que quand tu poses un mot comme celui-là derrière, tu cherches à obtenir des droits.
Parce que ce qu'on voit aujourd'hui, c'est que nos aidants, ils n'ont pas tous des droits.
Ils en ont même très peu.
Et qu'on est en train de construire des droits pour les aider et les accompagner.
Et pour que, comme le dit très bien Céline, ils puissent prendre tranquillement leur thé et s'occuper à nouveau d'eux-mêmes.
Et ça, ça a changé par rapport à avant ? C'est-à-dire que maintenant, on se dit plus facilement aidant, on sait un peu plus qu'il y a un mot qui existe ? Oui, tu sais, quand j'ai commencé il y a 11 ans, je crois que 24% des Français se sentaient aidants.
Aujourd'hui, on doit être pas loin de 60%.
J'arrondis, mais tout le travail qui est fait par les associations, par les groupes de protection sociale, par les caisses de retraite, par les entreprises, par la France entière, par le gouvernement avec le plan Agir pour les aidants, participe à cela, à ce qu'on se reconnaisse comme aidant.
Et puis, je voulais rajouter une chose, tu as dit, ça nous arrive un peu du jour au lendemain ou alors ça nous arrive sur la durée.
C'est-à-dire que tu commences à emmener un parent, par exemple, tout simplement pour un rendez-vous médical, et tu te retrouves à l'accompagner en fin de vie 15 ans plus tard.
Donc, l'aidant, c'est un long chemin, un long parcours, surtout dans des situations d'accompagnement d'un enfant handicapé, mais aussi parfois avec nos parents âgés, dépendants.
Il y a une deuxième chose, moi, qui m'a marquée dans le témoignage de Céline, c'est la culpabilité.
On l'entend beaucoup.
C'est un sentiment qui est assez courant chez les aidants.
Pourquoi est-ce qu'ils se manifestent autant ? Eh bien, parce qu'il veut dire beaucoup de choses.
La culpabilité, c'est vis-à-vis de son proche, déjà, de le voir souffrir, alors qu'on peut, nous, être en bonne santé.
C'est de le savoir parfois limité dans ses déplacements.
Donc, on a envie de combler quelque chose, déjà, de l'ordre de la maladie vis-à-vis de son proche.
Donc, la culpabilité, déjà, elle est liée à son proche.
Juste pour bien comprendre, ça veut dire, je suis aidant, je dois être capable de tout faire, c'est ça, parce que c'est un proche.
Compte tenu du lien qui les unit, il y a comme un devoir.
Et derrière ce devoir et cet amour aussi, il y a une relation qui a été bousculée par la maladie, le handicap.
Et pour prendre une part de cette souffrance, effectivement, il y a ce besoin pour l'aidant d'être présent à ses côtés.
74% d'entre eux se disent stressés, culpabilisés.
Cette culpabilité, elle est presque générale.
Qu'est-ce qu'on en fait ? Comment on la gère ? Eh bien, déjà, il faut que l'aidant ait cette prise de conscience de ce rôle, c'est-à-dire qu'il faut.
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Alors, le terme aidant peut aider, justement, certains qui ne s'étaient pas définis comme ça, de pouvoir au moins être un support pour eux, pour se dire, je vis une situation particulière, j'ai à faire face à des choses du quotidien, je dois parfois réaménager ma propre vie.
Tout ça n'est pas sans impact.
Il faut pouvoir au moins, pour lui, reconnaître ses impacts.
Et le terme aidant, et en tout cas de se définir comme aidant, c'est aussi de légitimer les conséquences que ça peut avoir sur lui.
Et donc, ça, c'est déjà un premier pas.
C'est-à-dire que ça permet de reconnaître ses limites.
Ça permet aussi de dire à l'aidant qu'il n'est pas nécessairement le seul à porter cette situation auprès de son proche.
C'est aussi de lui reconnaître sa place de proche aidant, mais c'est aussi d'envisager des aides complémentaires, de professionnels.
Ça définit le rôle de chacun.
De pouvoir parler des aidants, ça permet aussi de se dire, mais je ne peux pas tout faire.
Il y a d'autres formes d'aide.
Moi, j'en fais partie, mais d'autres professionnels peuvent m'aider aussi.
Il faut que l'aidant comprenne qu'il faut qu'il se fasse aider, mais qu'il a besoin aussi de répit.
Et à partir du moment où il a compris qu'il a besoin de répit pour pouvoir continuer sur la durée, il va mettre en place des solutions.
C'est quoi le répit ? Eh bien, le répit, en fait, tu as plusieurs formes de répit.
Tu as, par exemple, des personnes qu'on appelle des relayeuses, qui sont des personnes formées, qui peuvent venir à domicile pendant trois jours, par exemple, et qui prennent le relais de l'aidant, ce qui permet à l'aidant d'aller faire autre chose.
Peut-être s'occuper de sa santé, aller voir des amis, que sais-je, s'amuser, aller au cinéma, enfin bon.
Donc ça, c'est une première forme de répit.
Tu as l'accueil de jour qui permet aussi dans la journée cet accueil du proche fragilisé pour que l'aidant continue à vivre sa vie.
Et puis, tu as le répit partagé aussi, où l'aidant et son proche peuvent partir en vacances, mais où cet aidant va pouvoir faire des activités diverses et variées pendant que son proche sera pris en charge par des professionnels formés.
Il y a des associations qui sont là pour aider les aidants sur tous les territoires.
Il faut s'en rapprocher.
C'est important.
Il ne faut pas rester seul quand on est aidant.
Justement, on va parler maintenant de la question de l'isolement.
J'aimerais vous faire écouter le témoignage de Sophie, dont le deuxième enfant, Eli, est atteint de troubles physiques et cognitifs.
On l'écoute.
D'avoir un enfant différent, ça fait partir beaucoup d'amis.
On est très seul parce que ça fait peur d'avoir un enfant différent.
Ça fait le tri aussi, finalement.
Par la suite, j'ai compris ça.
Ensuite, ça change que notre quotidien.
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D'abord, nous-mêmes, on est très inquiets.
On est toujours angoissés par cet enfant parce qu'on ne comprend pas.
Il y a des soins médicaux.
Notre quotidien n'est plus jamais le même parce qu'on devient seul et que c'est l'inconnu et que les neurologues ne veulent pas trop nous dire la suite parce que c'est leur façon de procéder, parce qu'ils ne savent pas.
C'est vrai.
Et nous, on veut des réponses.
On se sent très, très seul.
Dans ce que dit Sophie, on se sent seul sur plusieurs niveaux.
Déjà, l'aspect social.
Être aidant, ça enferme.
Oui, puis alors attends, t'as plus de temps, quoi.
Si tu veux, quand tu t'occupes d'un proche fragilisé, tu raides dans ton agenda les soirées avec les copains, le cinéma, les activités sportives.
Parce qu'il faut que tu trouves du temps, surtout si tu travailles.
Donc, peu à peu, forcément, tu t'isoles.
Je vais te raconter une histoire d'une femme que j'ai croisée un jour.
Elle, elle a un frère schizophrène et une maman âgée qui habite en province et elle travaille à Paris.
Donc, le vendredi soir, elle prend le train.
Elle va s'occuper de sa maman et de son frère en province.
Donc, ménage, course, questions administratives, juridiques, tout ce qu'il y a à faire.
Et puis, le dimanche soir, elle revient à Paris et le lundi, elle retourne au travail.
Donc, je peux te dire qu'elle, pas de mari, pas de petite amie, pas de chérie, pas d'enfant.
Rien du tout.
Complètement isolée parce que sa vie est rythmée par son travail et ce binôme dont elle s'occupe.
Et Maria, comment tu fais quand tu te retrouves avec des aidants, des aidantes qui sont isolées comme ça ? Il faut pouvoir permettre aux aidants d'avoir des espaces.
Alors, pas forcément d'emblée d'aller voir un psychologue parce qu'on va mal.
C'est de partager déjà ce qu'on vit, qui plus est, avec des personnes qui peuvent peut-être vivre la même situation.
De se rapprocher en tout cas des autres pour pouvoir faire ce pont entre soi, sa situation et les autres, pour pouvoir exprimer ce qu'on ressent et pouvoir évidemment essayer de trouver des professionnels qui puissent nous accompagner.
Concrètement, ça veut dire des groupes de parole, c'est ça ? Nous, on développe beaucoup la pérédance à la compagnie des aidants pour que du coup, des parents qui ont des enfants qui ont la même pathologie peuvent échanger et ça les aide énormément parce que du coup, ils se rendent compte qu'ils ne sont pas seuls, que les autres vivent la même chose et que du coup, ils peuvent partager entre eux.
Parce que je vais raconter une autre histoire que j'ai vécue personnellement aussi.
Nous avons des amis qui ont une petite fille autiste que nous ne voyons plus depuis des années parce que quand notre plus jeune fille a eu deux ans, ils ont constaté que leur enfant, qui avait 15 ans de plus, était au même niveau d'évolution que notre fille de deux ans.
Ils ont pris une claque et c'était insupportable pour eux de continuer à nous fréquenter parce qu'à chaque fois, ça les remettait devant cette réalité d'enfants qu'ils élevaient avec ce handicap par rapport à nous qui avons des enfants qui ne sont pas en situation de handicap.
Donc parfois, c'est peut-être plus confortable, moins douloureux de se renfermer sur soi-même que de partager avec les autres parce qu'on sait d'emblée que la vie qui est vécue par nos copains, ce n'est pas la nôtre.
J'aimerais qu'on revienne sur une notion que vous avez abordée rapidement tout à l'heure, celle de la charge mentale.
Là à nouveau, c'est Sophie qui témoigne.
Elle explique comment la situation de son fils occupe sans arrêt son esprit.
Il a une petite concentration, donc il faut être disponible pour lui au moment où il veut bien travailler et être enjoué pour le convaincre de travailler.
Il faut trouver toujours des astuces.
Et donc, jour et nuit, je me réveille en pensant à lui, en disant « Ah oui, je pourrais faire tel exercice ou telle recette de cuisine, on devrait s'y inverser.
Il faudrait que je l'emmène à tel endroit parce que ça va l'aider à progresser.
» On est tout le temps en train de réfléchir à ce qui pourrait le faire progresser et lui faire plaisir.
Alors voilà, on est tout le temps en train de réfléchir, c'est ça la charge mentale, si je comprends bien, Maria.
Oui, alors la charge mentale, c'est tout ce qu'il y a derrière la mobilisation constante, la préoccupation, j'ai envie de dire.
Là, pour Sophie, c'est l'envie de faire progresser, mais ça peut être aussi la charge mentale logistique, par exemple.
Oui, tu sais, on pourrait s'inspirer de beaucoup de choses qui ont été mises en place par les aidants dans leur quotidien pour gérer justement le quotidien de 2, 3, 4 personnes.
Parce que tu as les cumulardes, comme je les appelle, c'est-à-dire des aidantes qui s'occupent de plusieurs membres de leur famille, donc qui ont mis en place des agendas, des solutions pour gérer chacun, savoir où il en est de ses médicaments, où il en est de ses rendez-vous médicaux, où il en est du passage de l'aide à domicile.
C'est un vrai job de gestion de la fragilité.
Moi, je me rappelle pour ma tante, je disais, j'ai un bébé en plus, c'est clair.
J'avais un enfant en plus, dont il fallait que je prenne soin et pour lequel je devais tout organiser.
Mais le message, là, c'est chacun doit se débrouiller comme il peut ou il y a des astuces qu'on pourrait donner à celles et ceux qui nous écoutent ? En fait, encore une fois, il ne faut pas rester seul.
Souvent, dans les familles, il y a un membre qui se dévoue et qui dit je vais m'en occuper.
Allez, hop, j'y vais.
Mais qui ne se rend pas compte que ça va durer dans le temps et que ça peut devenir compliqué.
Il faut savoir appeler les autres, il faut savoir dire à son frère ou à sa soeur, écoute, là, je vais craquer.
Là, je vais craquer, j'ai besoin de toi et donc de demander de l'aide.
Donc, l'entourage est important.
Maria a parlé tout à l'heure des aides à domicile, mais les aides à domicile, ça dépend des moyens de chacun.
Bon, on a heureusement des plans d'aide qui sont là pour cela.
Mais vraiment, il faut demander de l'aide et ne pas rester seul avec sa charge mentale.
Et peut-être le répit aussi, ce qu'on a évoqué tout à l'heure.
Le répit, c'est essentiel.
Il ne faut pas culpabiliser quand notre proche rejoint une forme de répit quelconque, ce qui existe sur son territoire.
Il ne faut pas culpabiliser parce que c'est une façon de reprendre de l'air, de respirer, de retrouver un peu de pêche pour continuer sur la durée.
Parce que les danses, c'est un marathon, ce n'est pas une course de vitesse, un one shot.
Et j'aimerais qu'on termine cet épisode avec le témoignage de celle qui l'a ouvert, à savoir Céline.
Alors, cette fois, elle va nous donner son truc pour se consacrer du temps quand elle n'est pas avec son fils.
Il faut y aller très, très doucement avec un aidant.
Mais en même temps, on n'est pas malade.
On est juste épuisé, donc on peut remonter très vite.
Moi, par exemple, j'ai mis en place le hammam.
Dès que je le dépose, je fonce au hammam parce que c'est quelque chose de très puissant qui contre tout le stress, très vite.
Dans cette situation-là, je me rends compte que je peux tout de suite me remonter.
Ce n'est pas trop, trop cher et c'est assez simple.
Il me faut la nudité, le silence.
Je le dis à ma famille, je le dis aux amis, je dis je suis là pour personne.
C'est vrai que je suis obligée de m'isoler.
Ça fait beaucoup de bien, vraiment.
C'est dur quand on est aidant ou aidante de se forcer à prendre du temps pour soi.
Ça peut, ça peut parce que déjà, il faut se l'accorder et parce qu'évidemment, il faut avoir quelqu'un pour se faire remplacer quelque part auprès de l'aider.
Alors, il y a les aides professionnelles, il y a l'entourage, mais il faut pouvoir aussi le demander.
Donc déjà, si l'aidant ne s'accorde pas ces temps-là, il va avoir du mal à avoir l'espace d'imaginer ce qui lui ferait du bien.
Et demander justement et s'accorder ces temps-là peut être difficile, notamment pour des aidants qui veulent tout porter, qui sont pris dans l'engrenage aussi de compenser cette aide au quotidien.
Et pour ça, il faut effectivement qu'ils prennent la décision aussi à un moment donné de passer la main.
Je me souviens qu'en discutant avec Céline, elle me disait, pratiquement pour elle, c'est vital d'avoir accès au hammam ou en tout cas de prendre un moment pour elle.
C'est des témoignages que tu retrouves, toi, chez les aidants que tu rencontres ? J'aimerais bien que beaucoup mettent des ressorts comme Céline, mais j'ai aussi la version de l'épouse ou l'époux d'un proche malade ou âgé qui me dit, je ne sais pas combien de temps encore je l'aurai à mes côtés et je m'en fous, je veux consacrer tout le temps que j'ai pour lui.
Et souvent, je leur dis, mais c'est magnifique parce que c'est vraiment, comment dire, par amour, par tendresse.
Je leur dis, mais peut-être que vous n'irez pas jusqu'au bout dans ces cas-là parce qu'à force d'épuisement, peut-être que vous allez vous partir avant lui.
Et les gériates que nous croisons quand nous faisons notre tournée dans les hôpitaux m'ont alertée à plusieurs reprises.
Ils m'ont dit, nous, on voit la catastrophe, on voit des personnes âgées arriver aux urgences après le décès de leur aidant.
Il faut bien que les aidants comprennent que c'est leur vie dont il s'agit que s'ils ne prennent pas soin d'eux, s'ils ne s'autorisent pas des moments de respiration.
Alors Céline, c'est le hamam, mais peut-être que c'est la piscine, le yoga, la méditation, j'en sais rien.
Allez en forêt, il y a tellement de solutions adaptées à chacun.
Eh bien, ils mettent leur vie en péril.
Oui, je pense que la prise de conscience, parfois, malheureusement, elle se fait quand il y a un signal.
L'aidant va ressentir des troubles, des troubles du sommeil, troubles ORL, gastro-intestinaux.
Il va commencer à se plaindre.
Alors des fois, c'est souvent le corps qui peut parler.
Il va se sentir de plus en plus anxieux, de plus en plus irritable, voire manifester de l'agressivité auprès de son proche alors qu'il ne le faisait pas.
Il y a quand même des signaux qui vont lui mettre la puce à l'oreille des limites et en tout cas de la nécessité, à un moment donné, de réfléchir autrement à la façon dont il peut penser à lui et de pouvoir s'écouter.
Et pour justement passer ce cap là, souvent, il est important qu'il ait aussi une oreille et quelqu'un vers qui se tourner pour pouvoir l'aider et le guider.
Parce que les aidants ne se rendent pas nécessairement compte, par exemple, qu'ils sont en train de faire une dépression du fait de l'aide qu'ils apportent à leurs proches.
Alors, dépression ou en tout cas rentrer dans un état d'épuisement physique ou psychique qui se manifeste effectivement par des signes d'irritabilité, de l'habilité émotionnelle ou de repli sur soi.
Et tous ces signaux là vont en tout cas l'alerter.
L'aidant peut en être totalement conscient, mais continue, comme dans le dernier exemple de Claudie, à se dire « Bon, tant pis, je continue puisque je veux profiter et être près de mon proche et puis je verrai après.
» Mais le « après », il faut pouvoir le penser maintenant et c'est souvent la question pour les aidants.
Et ce sera le mot de la fin.
Merci Claudie, merci Maria pour cette discussion.
Merci aussi à nos deux témoins du jour qui ont accepté de partager leur vécu.
Le sujet de l'aidance est un sujet complexe qui touche, je le rappelle, 11 millions de personnes en France, avec chacun et chacune sa propre situation, et témoigner, c'est aussi une manière de faire exister les problématiques et émerger des solutions.
Merci à vous qui écoutez La Voix des Aidants, le podcast de la compagnie des aidants.
Pour ma part, je vous dis à très bientôt.