Ça a été assez dur en fait de vraiment se prendre la fatalité et de se rendre compte et de voir sa mère fondre de 20, 25 kilos.

Ça panique un peu parce qu'on se dit que c'est dangereux.

Le challenge ça a été de lui faire reprendre au mieux du poids, mais c'est pas facile.

Il faut essayer d'être positif et de l'encourager parce qu'il y a des jours qui sont sans, sans morale, sans envie, sans envie de se battre.

Et il faut avoir la mignac pour eux, il faut l'assumer pour eux et il faut se battre à leur place parfois.

Des fois, on ne sait plus quoi faire, on ne sait plus où se mettre.

Il faut quand même trouver les mots et trouver la motivation pour eux de se nourrir et de faire les choses bien.

Aude est aidante de sa mère qui est traitée pour un cancer, c'est son troisième.

Très investie auprès de sa maman, vous l'entendez, Aude se demande quelle est sa place d'aidante face aux conséquences que les traitements ont sur le poids et la manière de se nourrir de sa mère.

Bienvenue dans ce premier épisode hors série de la Voix des aidants, le podcast de la compagnie des aidants diffusé à l'occasion de la Semaine nationale de la dénutrition, qui a lieu du 7 au 14 novembre.

L'épisode est réalisé grâce au soutien de notre partenaire, les entreprises de la nutrition clinique.

Nous profitons de cette semaine consacrée au sujet lié à la dénutrition pour nous demander comment les aidantes et les aidants peuvent accompagner au mieux leurs proches atteints de cancer sur l'aspect nutritionnel et en particulier face aux difficultés que peuvent provoquer les traitements.

Je suis Yoram Eloul et je vais échanger sur cette question avec le docteur Bruno Reynard, chef du service diététique et nutrition à l'Institut Gustave Roussy.

Bonjour Bruno.

Bonjour.

A nos côtés également, Romane Béraud, tu es diététicienne et chargée de prévention à la Ligue contre le cancer.

Pour celles et ceux qui ne la connaissent pas, la Ligue contre le cancer est une association nationale qui finance la recherche contre le cancer, fait du plaidoyer, de la prévention et accompagne les malades et leurs familles.

Tu es membre du comité de la Loire à Saint-Etienne.

Bonjour Romane.

Alors pour commencer, je me demande quels sont les cancers concernés par les risques de dénutrition.

Bruno, peut être que tu peux nous éclairer un peu là dessus.

Oui, alors c'est assez simple, c'est tous.

Tous les cancers, toutes les situations de cancers en cours peuvent induire une problématique de dénutrition, à la fois par la maladie elle-même, donc c'est les cancers les plus évidents, les cancers de la gorge, les cancers du tube digestif en particulier, mais aussi du fait des traitements.

Et donc, comme tous les cancers vont à un moment ou à un autre recevoir un traitement, eh bien, on peut avoir des situations de perte d'appétit, de nausée, de diarrhée, etc.

, qui vont induire une dénutrition.

Est-ce qu'il y a des cancers qui sont plus à risque que d'autres ? Bien sûr.

Globalement, on peut dire que 40% des gens qui ont un cancer vont à un moment ou à un autre être dénutris.

C'est probablement un chiffre qui est très sous-estimé.

Pourquoi ? Parce qu'on l'a évalué avec des outils assez simples, c'est à dire la pesée des gens.

Et ce n'est pas obligatoirement quelque chose d'aussi facile et d'aussi reproductible qu'on voudrait bien le croire.

Quand on fouille avec des outils beaucoup plus complexes qui ne sont pas disponibles facilement, on atteint plutôt 60 voire 70%.

Et les cancers qui vont être les plus fréquemment associés à la dénutrition, c'est les cancers qui touchent évidemment le tube digestif, c'est à dire du haut du tube digestif, c'est à dire la gorge, tous les cancers ORL, mais aussi les cancers de l'œsophage, de l'estomac, du pancréas, du foie, du côlon, de l'intestin, etc.

Et puis après, un élément supplémentaire va s'associer à la localisation cancéreuse, c'est le fait qu'il y ait des métastases, c'est à dire à partir du moment où le cancer est plus évolué que dans la zone où il y a le cancer primitif, eh bien il y a plus de risques de dénutrition.

Et les traitements dans tout ça aussi jouent sur la dénutrition ? Fréquemment, fréquemment, vous allez avoir des symptômes, des effets secondaires, comme on dit, qui ne sont pas toujours facilement évitables, liés aux traitements qui vont faire que les gens vont moins manger.

La fatigue, la perte d'appétit, les nausées, les vomissements, la diarrhée, les troubles du goût, là encore, qu'on ne mesure pas toujours très, très bien, mais les gens se plaignent assez fréquemment, soit le goût est diminué, soit le goût est altéré, avec des sensations, comme j'ai vu il n'y a pas très longtemps, d'un patient qui avait en permanence l'impression de mâcher du carton, ce qui est très désagréable.

Même l'eau avait un goût de carton, de carton mâché, de carton bouilli, et il ne pouvait plus du tout manger, tout était mauvais.

Même en se forçant, ce n'était pas possible, donc on a été obligés à ce moment-là de passer à des choses plus compliquées.

Donc, clairement, les traitements peuvent entraîner eux aussi, au moins transitoirement, parce que ça ne dure pas obligatoirement très longtemps, des phénomènes qui induisent la dénutrition.

Romane, je me tourne vers toi.

Il y a quelque chose qu'on n'a pas fait, mais peut-être commencer par définir ce qu'est la dénutrition.

Comment tu détermines qu'un patient qui arrive dans ton bureau est dénutri? Alors, nous, déjà, à la Ligue contre le cancer, on ne propose pas de consultation individuelle.

On a plus des ateliers collectifs où les personnes, donc patients et aidants, peuvent venir se rencontrer, échanger sur les difficultés qu'ils rencontrent.

Et souvent, ils nous font part des difficultés que vous avez évoquées, des troubles digestifs, des nausées, des dévomissements, des pertes de goûts, de goûts métalliques, aussi dans la bouche, ça c'est quelque chose qui revient qui revient souvent.

Ces personnes, elles nous disent qu'elles mangent peu, elles n'ont plus d'appétit et elles perdent du poids.

Et du coup, c'est comme ça qu'on peut déterminer qu'elles sont dénutries.

Après, nous, je ne suis pas dans un milieu hospitalier, donc on ne va pas déterminer précisément la dénutrition, mais c'est plus de par les échanges qu'on a entre nous qu'on juge que la personne ne mange pas suffisamment, d'autant plus si elle nous indique qu'elle va perdre du poids.

Et souvent, si c'est une perte de poids qui est rapide.

Alors, je me tourne peut être vers toi pour une définition plus médicale de la dénutrition.

Comment tu la définis? Alors déjà, la définition de base, c'est celle qui a finalement expliqué notre témoin, c'est à dire une perte de poids importante et rapide.

Donc, on définit une dénutrition comme étant une perte de poids d'au moins 5% en un mois.

Donc, pour avoir un ordre d'idée, ça fait à peu près 3 kilos en un mois quand on pèse 60 kilos.

D'accord, donc, c'est ni beaucoup, n'est pas beaucoup.

C'est un chiffre qui, au delà duquel on commence à s'alerter.

Donc, et puis après, ça peut être une perte de poids en six mois de 10%.

Donc là, 6 kilos en six mois, donc c'est un peu moins rapide, mais c'est un peu plus important.

Ça, c'est vraiment le critère de base.

C'est celui que peuvent reconnaître, peuvent visualiser, sur lequel peuvent alerter les patients et les aidants.

Donc, ça, c'est le plus simple.

Jamais se prendre la tête à savoir si la balance fonctionne ou ne fonctionne pas.

Très souvent, on entend ah oui, mais je ne suis pas sûr que ma balance fonctionne.

On s'en fiche.

Il y a six mois, c'était temps.

Maintenant, c'est temps que le poids de départ soit X, Y ou Z.

Ça ne change rien.

C'est une perte de poids significative.

Après, nous, on utilise une fois que les gens nous ont contacté et qu'on a pu les prendre en charge.

On utilise des techniques un petit peu plus compliquées.

Mais clairement, il faut que les gens s'alertent dès qu'ils sentent qu'il y a quelque chose qui ne va pas.

La dénutrition sera toujours derrière un événement, effectivement, de perte de poids.

C'est ce qui est le plus évident, mais aussi de fatigue, de j'arrive plus à monter les escaliers, de j'ai la diarrhée tous les jours depuis une semaine.

Toutes ces situations là où l'alimentation va être altérée, où le transit va être altéré, où l'état de forme va être altéré, s'associent pratiquement toujours à une dénutrition.

Et c'est là aussi où les aidants et les aidantes rentrent en jeu.

C'est à dire que leur rôle, c'est aussi de prévenir, j'imagine, qu'il y a quelque chose qui ne va pas.

Oui, tout à fait, parce que les patients ne se rendent pas forcément compte, peut-être, qu'ils mangent peu avec la fatigue.

Et du coup, c'est souvent les aidants, que ce soit conjoints, conjointes ou les enfants, qui peuvent essayer d'alerter aussi leur entourage sur les difficultés qu'ils rencontrent.

Une dernière question pour ce petit moment définition, pour une meilleure compréhension du sujet.

Concrètement, la dénutrition, ça fait quoi ? C'est à dire, quels sont les risques pour les patients d'être dénutris ? Alors, il faut bien avoir en tête qu'en gros, on est fait d'eau, de muscles et de gras.

Pour faire simple, il y a l'os, mais on va le mettre de côté.

La dénutrition, c'est une perte de poids qui va se faire quasi essentiellement, exclusivement sur la masse musculaire, c'est à dire sur une réserve à la fois de protéines, mais aussi de plein d'autres nutriments qui sont essentiels au bon fonctionnement de l'organisme.

Et c'est évidemment cette réserve là qu'on ne souhaite pas perdre.

Quand on veut faire un régime pour perdre du poids, ce qu'on veut, c'est perdre du gras.

Et donc, déjà, première remarque, quel que soit le poids de départ, quand on perd du poids dans ces situations de cancer, c'est une dénutrition.

Quel que soit le poids de départ, d'accord, et on entend d'ailleurs assez souvent, encore tout récemment, un patient dire Ah oui, mais moi, ça me fait du bien d'avoir perdu quelques kilos.

Sauf que ce n'est pas dans des conditions de bonne santé.

Donc, on ne maîtrise pas ce qu'on perd.

Et même si on a l'impression de faire un petit peu d'activité physique et de manger de façon plus équilibrée, parce qu'on a le cancer, parce qu'il y a tout le processus inflammatoire qui va avec, on va perdre plus de muscles de gras.

Et donc, cette perte de masse musculaire, elle va conduire à des mauvais fonctionnements, des mauvais fonctionnements des organes, de tous les organes en général.

Elle va conduire à une mauvaise cicatrisation.

On va moins bien réparer les tissus.

Il se trouve qu'il y a des gens qui vont avoir la bouche abîmée, qui vont être opérés et ces gens là vont moins cicatriser.

Et puis, surtout, des moindres défenses immunitaires.

Ça, c'est un point clé.

Plus on est dénutri, plus on perd de réserve de masse musculaire, moins on se défend contre les infections et contre la maladie elle-même.

Donc, il y a une espèce de cercle vicieux qui s'installe.

Donc, c'est vraiment important.

Le point clé, c'est la masse musculaire.

Oui, je rejoins tout à fait ce que vous dites.

Il y a énormément de patients qui nous font la remarque.

Voilà, j'étais en poids assez important, mais moi, ça ne me fait pas de mal de perdre quelques kilos.

Et on insiste vraiment sur le fait que, oui, mais vous perdez du muscle.

Et si je perds du muscle, si on perd du muscle, on n'est plus fatigué.

Déjà que les traitements en cancérologie, la maladie, fatiguent énormément, demandent à notre corps d'utiliser beaucoup d'énergie.

Donc, si en plus, je m'alimente peu, je perds du muscle, on rentre dans un cercle vicieux et après, on perd du poids de plus en plus rapidement aussi.

Je voudrais vous faire écouter à tous les deux à nouveau le témoignage de Aude.

Pour elle, la nourriture est devenue une question essentielle quand elle a vu sa mère commencer à perdre du poids.

Elle a tout fait pour essayer de lui faire reprendre des kilos et cela est devenu à la fois central, mais aussi un sujet d'angoisse.

Elle faisait ce qu'elle pouvait pour s'en sortir.

Moi, je pensais l'aider et le fait que je comprenne que ce n'est pas ce qu'il fallait faire.

Oui, il y a un sentiment de culpabilité qui est assez énorme sur le coup et même de la culpabilité de ne pas pouvoir l'aider quand elle souffre, quand elle n'a pas envie de manger ou quand elle a faim et qu'au final, elle est malade.

On ne sait plus quoi faire, on ne sait plus comment faire parce que la faire manger, ça ne sert pas, elle est malade, elle vomit, rien ne reste.

On se sent démunie et on culpabilise assez facilement et ce n'est pas facile.

Alors, il se trouve que Aude, tu la connais, Romane, elle est passée dans ton bureau d'une certaine manière pour discuter avec toi.

Et on sent chez elle, elle évoque le mot de culpabilité, d'angoisse.

Ça, c'est quelque chose d'assez classique chez les aidantes et les aidants que tu rencontres.

Oui, je me souviens très bien de la venue de Aude et de sa maman à l'espace Ligue, de la Ligue contre le cancer à Saint-Etienne.

Elles étaient venues pour rencontrer l'équipe et voir ce que la Ligue pouvait proposer.

À ce moment-là, j'étais présente dans l'espace, on a longuement échangé.

Sa maman était en cours de chimiothérapie.

Donc, les difficultés qu'elle indique, nausées, vomissements, perte de poids, c'était vraiment quelque chose qui l'empêchait de se nourrir correctement.

Elle perdait beaucoup de poids rapidement.

Elle vivait à ce moment-là chez sa fille et donc, du coup, Aude était présente au quotidien pour l'aider et l'accompagner.

De par nos échanges, elle m'a indiqué faire des choses, essayer de mettre en place une alimentation qu'elle jugeait pertinente.

Et finalement, elle faisait un petit peu tout le contraire qu'il fallait faire.

Pourquoi ? Sa maman était diarrhéique, présentait pas mal de diarrhées et elle proposait à sa maman une alimentation plutôt riche en fibres.

Parce que les fibres alimentaires, on en parle beaucoup au niveau nutritionnel, on parle beaucoup des bienfaits des fibres, des légumes secs, des granolées agineuses.

Mais pour une personne qui n'est pas malade, dans le cadre de l'équilibre alimentaire classique, mais quand on est en traitement, il faut un petit peu se détacher de toutes ces recommandations nutritionnelles et essayer justement d'adapter après à soi et aux difficultés qu'on rencontre.

Du coup, on a vraiment pu rééchanger sur plein d'astuces, plein de conseils pour essayer de limiter les fibres, de privilégier plutôt des éléments raffinés, pas de légumes secs ou en tout cas très peu.

Et de lui donner des idées recettes pour qu'elle puisse essayer aussi de varier un petit peu l'alimentation et d'essayer que sa maman puisse continuer à s'alimenter.

Oui, parce que j'ai parlé avec Aude assez longtemps au téléphone et elle m'a décrit le rendez-vous qu'elle avait avec toi comme vraiment un espèce de moment de révélation, mais en tout cas un moment très intense parce qu'elle avait envie de très bien faire et tu lui as fait comprendre qu'elle ne faisait pas exactement ce qu'il fallait.

D'où la nécessité d'être bien accompagnée quand on est dans une situation, quand on est aidante ou quand on est malade.

Quel type d'accompagnement il faut avoir ? Il y a les médecins, les nutritionnistes, c'est ça ? C'est automatique ? Comment ça se passe ? Alors oui, bien sûr, médecins, nutritionnistes, diététiciens, infirmiers aussi qui peuvent donner des conseils.

Après, elles ont fait toutes les deux la démarche aussi de venir à l'espace Ligue et ça, c'est aussi très important.

Ce n'est pas facile de pousser la porte de la Ligue contre le cancer, mais je pense qu'elles sont venues.

Sa maman a pu participer à d'autres activités aussi proposées par le comité.

Et voilà, il faut essayer de chercher les informations et ce n'est pas toujours simple pour les patients et les aidants.

Alors justement, les informations, on va essayer d'en donner quelques unes ici.

Qu'est ce qu'on peut faire, par exemple, pour prévenir la dénutrition et ne pas attendre d'être à un moment critique ? Est ce qu'il y a des moyens d'agir ? Alors, c'est quelque chose auquel, évidemment, de nombreuses équipes réfléchissent actuellement.

Je pense que l'idéal de l'idéal serait que toute personne qui rentre dans un processus de soins, dans un parcours de soins en cancérologie, voit au moins une fois dès le début du parcours, une fois que la phase de diagnostic et d'annonce est réalisée, une diététicienne ou un diététicien.

Donc, pour déjà faire le point sur qualitativement et quantitativement comment ça se passe pour la personne qui va rentrer dans ce parcours de soins.

Et à ce moment là, ce diététicien ou cette diététicienne va faire du repérage de comment finalement on va adapter le suivi.

Ensuite, tout va bien et les traitements qui sont prévus ne sont pas des traitements à risque et la situation n'est pas à risque.

On invite le patient à alerter ou à contacter s'il y a besoin.

Ou la situation est déjà d'emblée plus complexe ou à risque de se dégrader.

Et à ce moment là, d'emblée, on met en place des suivis programmés.

Le vrai problème, c'est que toutes les équipes ne sont pas dotées des moyens humains suffisants.

Un diététicien ou une diététicienne peut être amené à travailler dans différents services, pas qu'en cancérologie et donc peut être très occupé et ne pas pouvoir s'occuper de tout le monde.

Et évidemment, l'autre problème, c'est que la consultation de diététiques en ville n'est pas prise en charge par la Sécurité sociale.

Donc on se retrouve coincé parce que le point clé que vous avez évoqué, c'est vraiment la prévention, c'est-à-dire empêcher la catastrophe.

Mais on a une situation qui n'est pas mauvaise, mais qui ne permet pas d'aller jusqu'à l'ambition qu'on s'est fixé, qui est justement d'inclure systématiquement la diététicienne dans le parcours de soins dès le début du parcours de soins et tout le long du parcours de soins.

Pour ça, il faudrait, ça a été évalué d'ailleurs par le comité de lutte contre la dénutrition, au moins une diététicienne pour 60 lits d'hospitalisation, ce qui est loin d'être le cas dans de très, très nombreux hôpitaux, même qui font de la cancérologie.

Pour aller à l'encontre de ce que je viens de dire, à Gustave-Roussy, par exemple, il y a une diététicienne pour 37 lits d'hospitalisation.

Pourquoi ? Parce qu'avec la direction de Gustave-Roussy, sans vouloir en faire la publicité, et avec l'ensemble des équipes médicales et paramédicales, on a fixé comme objectif, comme but principal de lutte, justement, le développement de la dénutrition et ses conséquences.

Donc, on s'est donné les moyens pour le faire.

Et ça, c'est vraiment important.

Un des seuls facteurs pronostiques indépendants d'évolution de la maladie et du risque de complication des traitements modifiables avant de commencer les traitements, c'est la dénutrition.

C'est quasiment le seul.

Sur l'âge, par exemple, on ne peut rien faire.

Sur la génétique, on ne peut pas faire grand-chose.

On peut agir sur différentes pathologies chroniques qu'a le patient.

Mais la dénutrition, c'est quelque chose qu'on peut prévenir ou qu'on peut limiter, ou qu'on peut ralentir, et de façon très efficace.

Mais pour ça, il faut démarrer très tôt.

Si je comprends bien ce que tu dis là, c'est que du point de vue de l'aidant et de l'aidant, le rôle principal de l'aidant et de l'aidant, c'est d'être un peu là pour surveiller l'état de la personne.

Il n'y a pas de réflexe à avoir.

Dès qu'on apprend qu'il y a une maladie, il faut changer certaines choses dans la manière de se nourrir, tant qu'on n'est pas dans une situation que tu décrivais comme potentiellement problématique.

Non, je pense que l'aidant peut aussi être un relais du diététicien aussi, au quotidien, parce que le patient peut ne pas avoir intégré toutes les informations que va donner la diététicienne.

L'aidant étant éventuellement celui qui va faire les courses, préparer les repas, aider à prendre les repas.

Il va être évidemment un auxiliaire du diététicien extrêmement important.

Après, on peut imaginer, non pas comme substitut du manque de diététiciens, mais comme complément des diététiciens, que les aidants soient formés à ces premiers gestes qui sauvent, si je puis dire, que vont être ce qu'on a évoqué tout à l'heure, c'est-à-dire éviter le forcing alimentaire.

C'est très, très important.

Nous, on travaille beaucoup là-dessus.

On a travaillé avec l'équipe de Dijon en particulier là-dessus.

Si tu peux définir le forcing alimentaire.

Tout à fait.

C'est très simple.

Il faut imaginer le petit enfant de 6 ans qui a une assiette d'épinards devant lui et qui ne veut pas la manger.

Et on va la maman, le papa s'énerver au fur et à mesure du dîner pour qu'il mange son assiette d'épinards, le punir, l'envoyer au lit, etc.

Jusqu'à ce qu'il mange son assiette d'épinards qu'il ne mangera pas de toute façon et dont il va être définitivement dégoûté.

Le forcing alimentaire conduit à ça, c'est-à-dire que plus on va obliger quelqu'un à se mettre dans une situation d'inconfort pour manger quelque chose, plus il va s'en dégoûter et plus ça va aggraver les phénomènes de manque d'appétit ou de perte d'appétit.

On induit des phénomènes de ce qu'on appelle d'aversion, de dégoût, qui n'auraient pas dû être si on n'avait pas forcé la personne à aller manger.

C'est des choses que tu vois toi avec les gens que tu rencontres, ça crée des tensions potentiellement cette histoire de nourriture et de forcing alimentaire ? Je pense à une aidante qui était venue assister à un atelier collectif sur l'alimentation.

Son mari conjoint a eu un cancer au niveau ORL, donc avait des difficultés pour s'alimenter, mangeait plutôt mixé, voire texture mixée molle.

Elle disait « j'insiste, je lui dis si il mange, mange un petit peu, elle égoutte ! » et du coup, au final, ça le dégoûtait plus qu'autre chose.

C'est là où, en tant qu'aidant, il faut aussi accepter que la personne qui est en face de nous est malade, en traitement, et que peut-être que ce qu'elle a aimé hier ou la dernière fois, si je lui repropose de nouveau la même chose, il se peut que cette fois-ci, elle n'aime pas, parce qu'elle se sent moins bien, elle se sent plus fatiguée.

Mais ce n'est pas toujours simple de pouvoir trouver après d'autres choses et de dire « ok, ça, tu n'en as pas envie, je te propose plutôt ça ».

Mais ce n'est pas toujours simple.

Alors toi, tu te sers aux mains des aidants pour faire passer les bons messages ? Parce que peut-être que ça fait beaucoup pour le malade ou la malade ? Alors ça, ils nous le disent lors de consultations médicales, que ce soit nutritionnelle ou autre, les patients ne peuvent pas tout encaisser, ce n'est pas possible.

Il y a trop d'informations, des informations médicales, des informations sur les soins de support, toutes les activités parallèles pour prévenir la douleur, pour prévenir les troubles psychologiques, les angoisses, etc.

Il y a beaucoup trop d'infos.

Les patients, quand ils ressortent de consultation, ils en ont retenu très très peu en pourcentage.

Je ne sais pas ce que ça peut représenter, mais très peu.

Du coup, c'est pour ça que c'est bien quand des aidants, des accompagnants peuvent participer et peuvent être présents, notamment sur nos ateliers collectifs.

D'autant plus qu'on le sait que principalement, ça va être eux, comme vous l'aviez dit, qui vont faire les courses, qui vont faire la cuisine, qui vont gérer un petit peu le quotidien pendant cette période.

Et donc du coup, c'est eux qui sont en première ligne, notamment au niveau de l'alimentation.

Et j'imagine aussi que ça peut poser des problèmes quand il y a un rôle, par exemple dans un couple, que l'une des deux personnes, souvent les femmes, ont plus l'habitude de faire à manger et que là, du fait de la maladie, c'est plutôt au mari ou à la personne qui n'a pas l'habitude de faire à manger de se retrouver là-dedans.

Comment tu gères ça ? Il y a des cours de cuisine ? Alors oui, nous, on propose des ateliers collectifs.

On échange sur des conseils, des astuces, des idées, recettes.

Et on propose aussi un petit temps de réalisation d'une recette pour avoir plus le côté concret.

On parle d'enrichir son alimentation, on parle de fractionner, de faire des collations riches en protéines, etc.

Mais concrètement, qu'est-ce que ça représente ? Qu'est-ce que c'est ? Donc du coup, on essaie de mettre en pratique aussi ces recommandations.

Et juste, ça me fait penser à une patiente qui est venue sans son mari à l'Espace League lors d'un atelier qui était en cours de chimiothérapie.

Pendant sa période de pause de traitement, elle m'indiquait essayer de prendre le temps avec son mari, justement, de cuisiner ensemble, de congeler différents plats, par exemple des lasagnes, de les congeler en amont dans des petites portions.

Et le jour, la semaine où elle avait ses traitements de chimiothérapie, elle savait qu'elle avait ça à disposition.

Et je me souviens très bien de son témoignage.

Elle nous avait dit, c'est un moment aussi où on partage quelque chose avec mon conjoint.

C'est un moment convivial où je me sens mieux parce qu'en effet, je ne suis plus pendant ma phase de chimiothérapie.

Donc voilà, je suis un peu moins fatiguée, j'ai moins de troubles d'effets secondaires.

Donc du coup, c'est vraiment un moment aussi pour nous deux convivial.

Donc voilà, il y a ces petites astuces qu'on peut essayer de trouver.

On va justement en parler.

Tu viens dire que les aidantes et les aidants étaient souvent en première ligne.

Amandine a été aidante de sa mère qui est décédée quand elle avait 22 ans d'une tumeur au cerveau.

Sa manière à elle de faire face aux difficultés que sa mère avait de se nourrir, ça a été de se donner un objectif chaque jour.

On était vraiment dans le feu de l'action.

Donc effectivement, on était obsédé par la nourriture, à trouver des recettes tous les jours, à faire en sorte qu'elle puisse au moins manger un plat.

Notre objectif, c'était un plat sur trois.

Donc au moins, si elle ne mangeait pas au petit déjeuner, qu'elle mange au déjeuner ou au dîner.

Et donc du coup, tous les matins, avec mon père, on imaginait une recette, on cuisinait et on faisait en sorte qu'elle mange au moins un repas, même s'il était réparti sur plusieurs moments dans la journée.

Mais qu'elle mange un repas entier dans la journée.

Donc en fait, on se donnait des challenges.

C'était un peu plus, on essayait de dédramatiser la situation pour essayer aussi de vivre ces moments de manière un peu plus conviviale.

Parce que du coup, quand on est dans le feu de l'action et quand on est dans cette situation, on ne voit pas le bout du tunnel.

On est vraiment à trouver des solutions pour pouvoir faire en sorte qu'elle guérisse et pour pouvoir faire en sorte qu'elle se sente bien.

Et donc du coup, notre objectif, c'était qu'elle ait au moins un moment de plaisir dans la journée à déguster un plat qu'elle aimait.

Alors, on a entendu plein de choses depuis le début de l'émission sur les solutions potentielles, mais j'aimerais qu'on revienne dessus.

Fractionner, qu'est ce que c'est concrètement ? Qu'est ce qu'on entend par là ? Comment ça se passe ? À quel point il faut fractionner ? Vous l'avez évoqué tous les deux jusqu'à présent.

Alors, je ne sais pas qui veut en parler.

Alors, c'est à la fois simple et compliqué.

C'est à dire que ce qu'on veut, c'est que la personne malade mange à peu près le bon nombre de calories et de protéines tous les jours.

Mais on sait qu'en faisant trois repas par jour, elle n'y arrivera pas parce qu'au bout de la moitié du repas, ça cale.

Il y a un phénomène de satiété.

On est rassasié trop rapidement.

On se dégoûte si on force trop, etc.

Donc, l'idée, c'est que la personne écoute les signaux de son corps et qu'elle s'arrête avant de commencer justement à avoir de l'inconfort à manger, avant d'avoir mal au ventre ou envie de vomir ou d'être obligé de courir pour aller aux toilettes, etc.

Et que finalement, la seule personne qui est capable de dire à l'avance la quantité qu'elle va pouvoir manger, c'est la personne malade.

J'irais presque à dire que la seule personne qui est capable de mettre dans l'assiette la bonne quantité, c'est la personne malade.

Et donc, si c'est trois cuillères de riz, c'est trois cuillères de riz.

Elle mange ses trois cuillères de riz.

Ça s'est bien passé, tant mieux.

Elle s'arrête, elle attend et elle recommence.

Donc, c'est ça le fractionnement, au moins en théorie.

En pratique, c'est beaucoup plus compliqué parce qu'il faut que la personne écoute ses signaux en disant tiens, ça y est, mon ventre va de nouveau bien.

Je vais pouvoir tenter de remanger quelque chose.

Sauf que le déjeuner est fini, les personnes non malades, aidant ou non, sont passées à autre chose.

Et donc, il n'est plus temps de se repasser à table.

Il faut trouver d'autres solutions qui vont être justement des collations sucrées ou salées.

Donc, c'est multiplier les prises alimentaires pour arriver à ce que la somme totale corresponde à ce que nous, on est capable de manger en bonne santé avec trois repas habituels.

Je prends souvent l'exemple, c'est un petit peu de grignoter finalement, un petit peu tout au long de la journée, en fonction, bien sûr, de ce qu'on ressent.

Donc, ça va contre ce qu'on entend habituellement sur le grignotage.

Oui, un petit peu.

C'est pour ça qu'il faut vraiment se détacher.

Et j'insiste là-dessus, parce qu'il y a beaucoup trop de patients aidants qui s'attachent aux recommandations nutritionnelles classiques.

Et j'insiste là-dessus.

Non, il faut essayer de s'en détacher et d'adapter à la personne et aux difficultés qu'elle rencontre.

La seconde chose qu'on a beaucoup entendu, et notamment dans le témoignage d'Amandine, c'est la question de la recherche du plaisir.

Alors toi, tu as utilisé le mot de convivialité aussi tout à l'heure.

Je les associe un peu parce que le plaisir, c'est quoi? C'est ce qu'on a dans l'assiette.

C'est le moment passé.

Quel conseil vous donner pour faire en sorte que les gens se sentent mieux au moment de passer à table? Le plaisir, il peut avoir plusieurs visages.

Je dirais qu'il peut être lié au fait que finalement, on a réussi à manger alors que ça fait trois jours qu'on ne mange plus.

Il peut être lié au fait qu'on a une sensation sensorielle positive en dégustant le mai alors qu'on l'avait plus ou moins les jours précédents.

Ou parce qu'on a découvert quelque chose qu'on n'avait pas testé jusqu'à présent.

Ou que finalement, on se sent mieux après le repas alors que d'habitude, on se sent fatigué.

Le plaisir d'avoir partagé aussi un repas en famille, c'est aussi important.

Et comment faire quand le goût n'est pas là? Sur quoi est-ce que les aidantes, les patients peuvent jouer? Il reste quoi la texture? Il y a ce goût de carton métallique que vous avez décrit.

Après, c'est de jouer avec l'utilisation d'herbes aromatiques, d'épices qui permettent de réhausser ou de modifier le goût de certains plats.

Très souvent, ce que nous font remonter les patients, c'est que pendant les traitements et notamment de chimiothérapie, il y a des choses qu'ils n'aimaient pas avant.

Et que pendant les traitements, comme le goût est un peu modifié, ils apprécient.

C'est aussi de tester des nouvelles choses que je n'aimais pas avant, mais qu'à cause de mes traitements, pendant cette période-là, je peux manger tel ou tel aliment.

Et l'eau, tout à l'heure, vous parliez de l'eau qui n'a pas de goût.

Beaucoup de patients nous font remonter que l'eau n'a pas de goût pendant les traitements de chimio.

Donc, c'est de ne pas hésiter à privilégier plutôt une eau pétillante, une eau un peu plus salée peut-être.

Ou à l'aromatiser avec un petit peu de menthe, un petit peu du citron pour réhausser un petit peu ce goût et que ça soit plus appétant.

Les compléments nutritionnels oraux, ces crèmes qui se prennent ou ces poudres ou ces bouteilles hyperprotéinées, comment vous en servez ? C'est en prévention ? Est-ce qu'on s'en sert ? Comment on s'en sert ? Alors, je vais être très clair.

Ce sont des produits extrêmement utiles.

Contrairement aux a priori que tout le monde peut avoir.

Ne nous mettons pas en position de vouloir comparer ces produits-là au magnifique mai qu'on mange tous les jours.

Ça n'a strictement rien à voir.

Ce sont des compléments alimentaires.

Donc, il ne faut pas faire de comparatif.

Ça n'a pas le goût de certaines crèmes très onctueuses au chocolat ou au café que l'on achète dans le commerce ou que l'on fait soi-même.

Par contre, le gros avantage, c'est que ce sont des produits que les industriels de la nutrition ont réussi à concentrer en calories et en protéines, surtout, de façon quasi optimale.

On peut aller jusqu'à 2,4 calories par millilitre.

On peut aller jusqu'à plus de 30 grammes de protéines par flacon.

C'est majeur.

C'est-à-dire que finalement, avec des produits comme ceux-là, même en n'en consommant pas la totalité du flacon, on arrive à compléter réellement ce qu'on mange et donc d'approcher les besoins que réclame votre corps en protéines, en calories, en vitamines, etc.

Donc, c'est vraiment quelque chose d'important.

Rien que d'expliquer cette petite partie là, déjà donne une motivation supplémentaire aux patients.

Ensuite, c'est comme pour l'alimentation normale, c'est-à-dire que le patient est en droit de le tester, de l'expérimenter, de le fractionner, de jouer avec, éventuellement de le cuisiner.

Et ça, peut-être que Romane peut en parler.

Clairement, il y a des choses à faire avec.

Ce qui compte, c'est qu'il doit aider à ce que le patient continue à manger de la vraie nourriture, mais que grâce à ça, il atteigne plus facilement les besoins caloriques et protéiques.

Et donc, on ne rentre pas dans ce cercle vicieux.

Moins je mange, plus je suis fatigué.

Plus je suis fatigué, moins je mange.

Et donc, on aggrave le phénomène de dénutrition.

Ça se cuisine, ces compléments ? Alors, c'est vrai que nous, à la Ligue contre le cancer, on n'a pas de compléments.

Donc, on ne va pas les cuisiner directement avec les patients, mais sûrement que ça doit se cuisiner.

Après, nous, on est plus dans nos ateliers de cuisine à utiliser des produits quotidiens qu'on peut trouver en grande surface ou autre, pour lesquels on a besoin de prescriptions.

D'utiliser certains types de fromage blanc qui vont être un peu plus enrichis, d'utiliser plutôt du lait entier à la place du lait demi-écrimé.

C'est des choses qui sont faciles aussi à changer et qui ne demandent pas beaucoup d'investissement de la part des aidants ou des patients.

Après, je voulais rajouter par rapport aux compléments nutritionnels, je pense qu'il est important aussi pour les patients quand ils en consomment, c'est de trouver celui qui leur plaît.

Parce que, voilà, donc, en fonction des fois du goût, des jus de fruits, il en existe différents goûts.

Peut-être que le goût fruits des bois ne leur convient pas, mais peut-être que le goût à la pêche leur conviendrait mieux.

Donc, c'est de ne pas hésiter, comme vous disiez, à les tester.

Ça, c'est important.

Nous, on insiste beaucoup sur cette notion-là de plaisir, de stimuler l'appétit.

Si, voilà, j'ai envie d'une glace, d'un dessert lacté à 2h de l'après-midi ou à 20h le soir, 21h devant la télé ou 1 ou 2, 3 carreaux de chocolat parce que ça me fait envie, allez-y, faites-vous plaisir.

Moi, j'insiste beaucoup là-dessus, sur cette notion-là de plaisir.

Nous arrivons au terme de cet épisode hors-série de La Voix des Aidants.

Merci à toutes celles et ceux qui nous ont écoutés.

Merci à tous les deux, Bruno et Romane, d'avoir accepté notre invitation.

Et je tiens également à remercier Aude et Amandine pour leurs témoignages.

N'hésitez pas à partager l'épisode avec celles et ceux que cela pourrait aider.

Et de mon côté, je vous dis à très vite.