COVID-19 : Témoignage d’une mère aidante confinée

Au sein de la Compagnie des aidants, nous nous sommes engagés aux côtés de ceux qui soutiennent des proches vulnérables ou en perte d’autonomie, nous les accompagnons et les conseillons dans leur quotidien.

Pendant cette crise sanitaire inédite, nous mobilisons toutes nos ressources pour être encore plus présents à leurs côtés.

Nous avons aussi souhaité recueillir des témoignages pour rendre visible l’invisible, sans voyeurisme, mais pour que les proches aidants mobilisés en 1ère ligne ne soient pas les oubliés de ce confinement.

Aujourd’hui, bien que la perspective du 11 Mai offre quelques espoirs, le mois qui nous sépare de cette échéance peut sembler insurmontable pour certains.

Parmi eux, les parents d’enfants en situation de handicap rencontrent de grandes difficultés car le suivi en structure spécialisée dont certains bénéficiaient n’est plus possible. Ils se retrouvent alors le plus souvent seuls à assurer la continuité pédagogique, l’entretien de la motricité, le soutien psychologique etc pour leur enfant… tout en assurant leur activité de télétravail quand celle-ci se poursuit.

Malheureusement, il n’est pas rare que depuis le confinement certains parents aient vu les progrès de leurs enfants réduits à néant, voire que des situations de régression soient observées.

Nous voulons vous partager le quotidien de Céline et de son fils William, qui a 11 ans.

William est atteint du syndrome de Prader- Willy.

C’est la 5ème maladie la plus grave sur les 8000 maladies les plus rares dans le monde. Elle touche au hasard 1 naissance sur 20 000, perturbant le chromosome 15 qui commande un certain nombre de fonctions dans le corps. C’est un grand désordre hormonal qui impact le neuro-développement. Les symptômes majeurs sont une hypotonie des muscles sévères, pas de sensation de satiété et des émotions qui seront toujours vécues comme celles d’un enfant de deux ans.

Au-delà de nombreux troubles que rencontrent les enfants Prader-Willy, ils sont aussi sujets à un risque constant d’obésité morbide. Ils doivent être suivis au niveau diététique pour ne pas risquer de prendre du poids.

William, après avoir reçu une éducation classique en école maternelle, avait obtenu une place dans un établissement adapté, un IME (Institut Medico-Educatif). En temps normal, Céline déposait chaque jour de la semaine son fils à l’IME garantissant à William une prise en charge éducative, thérapeutique et psychologique pour favoriser son apprentissage scolaire, une certaine autonomie et son inclusion sociale. C’était aussi un semblant d’équilibre de vie de famille.

Depuis le 16 mars, l’Institut qui accueillait William est fermé. L’état de William se dégrade : les troubles du sommeil se sont intensifiés (il se réveille toutes les heures et demande si c’est l’heure d’aller à l’école ou de manger) ; le stress et la fatigue de Céline augmente. William a perdu ses repères, ses habitudes sont bouleversées. Cela augmente son anxiété et donc ses troubles. Il y a bien une assistance : relais à distance, des consignes pour les activités et assurer la continuité pédagogique mais malgré tous les efforts de Céline, William présente des régressions : il fait de très longues colères qui l’affectent beaucoup.

Aujourd’hui les crises ne sont plus espacées que de 20 minutes, ne laissant aucun répit à Céline.

Céline nous a confié qu’un aidant c’est un soldat confronté à une situation à laquelle il n’est absolument pas préparé.

Ces proches aidants sont au front, en 1 ère ligne, et c’est l’amour et le devoir, qui leur dictent quoi faire, ils s’adaptent, essayent, innovent car en temps normal ils œuvrent de concert avec des professionnels (soignants, éducateurs, kinésithérapeute, psychologues…). D’ici quelques jours une équipe mobile dite d’urgence viendra au domicile des proches aidant en situation de crise extrême pour prendre le relais quelques heures, et leur offrir un peu de répit.

Céline, au bout d’un mois de ce rythme si soutenu, est épuisée et ne peut plus travailler, mais elle soutient son fils chaque heure, de jour comme de nuit. Elle trouve en elle des ressorts d’énergie et d’imagination pour continuer de stimuler William et lui apporter le suivi nécessaire au-delà de l’amour d’une mère ; Elle use de tout ce qu’elle a appris : « méthode Gordon » sophrologie, langue des signes, diététique, une mine de connaissances qu’il faudrait pouvoir valoriser. Il n’est pas rare quand ils se promènent un peu que Céline et William affrontent des paroles déplacées et méprisantes, comme lui demander de museler son fils, car en ce moment William crie beaucoup.

Ce confinement ne doit pas plus les isoler mais les révéler, et le regard de la société doit changer. Il ne s’agit pas de compassion il s’agit d’humanité.

Vidéo de Céline et William à voir : https://youtu.be/X7AaEiShkao 

Pour en savoir plus sur la maladie de Prader Willi : https://lacompagniedesaidants.org/guide/

Vous pouvez aussi nous envoyer votre témoignage à l’adresse contact@lacompagniedesaidants.org

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@Claudie Kulak

Rédaction : Julie Costantini, bénévole à l’association