Série des clés pour aider les aidants : Clé n° 8 Prendre soin de soi et se soigner …

 

 

Soutenir un proche dans son quotidien est accaparant. Cela occupe l’esprit, on parlera alors de charge mentale, et ce rôle mobilise tout autant physiquement parfois jusqu’à l’épuisement.

On est alors prêt à donner à l’autre une attention que l’on ne saurait pas s’octroyer à soi-même ! Serait-ce le monde à l’envers ?

« Prendre soin » est une expression qui puise ses origines dans la langue anglaise sous le terme « care » qui est sans équivalent dans la langue française. D’autres mots ont pourtant la même origine, comme charité, caresse, caritatif… tous issus du latin carus qui veut dire valeur.

Ainsi la personne dont on va prendre soin (en anglais « take care » ) est considérée comme une personne de valeur qui mérite toute notre attention. Une responsabilité pleine de sollicitude et du souci des autres. « Prendre soin d’un proche » est une action volontaire et dynamique. On va se dévouer au bien-être de l’autre. Le « care » en soi est lié aux fonctions de la vie. Il est vital.

Mais pourquoi alors appliquer cette attention à soi-même peut sembler si compliqué.

Ne dit-on pas pourtant que pour prendre soin des autres, il faut savoir prendre soin de soi, ou encore que « charité bien ordonnée commence par soi -même ». S’octroyer cette attention pour soi n’est pourtant ni évident ni naturel.

Quand on est aidant, il est d’autant plus important de rester en forme physiquement comme psychiquement pour soutenir son proche. Nous le savons ! Notre bien-être mental et physique dépend de notre capacité à nous traiter avec douceur, bienveillance, et indulgence. Néanmoins face à un diagnostic médical, à l’émotion qui s’en dégage, et à la culpabilité éprouvée, l’aidant aura tendance à se négliger encore plus que les autres, manquant de temps, de discernement et de lucidité.

On sait ce qu’il faut faire et pourtant nous n’y parvenons pas. Pourquoi cela semble si facile et si naturel pour certains de prendre soin d’eux-mêmes et pour d’autres si complexe ? Au travers de notre éducation, de nos valeurs, de notre contexte social, nous ne sommes pas égaux.

I – La négligence de soi :

Elaborée par Abraham Maslow, considéré comme fondateur de l’approche humaniste en psychologie, la pyramide de Maslow est une théorie selon laquelle les motivations d’une personne viennent de ses besoins non satisfaits. La pyramide est édifiée sur les besoins d’ordre physiologiques, les minimums vitaux comme boire, manger, dormir.

Ensuite, il y a toute la panoplie des besoins décrite par Maslow :

  • Les besoins de sécurité (du corps, de la santé, de l’emploi, de la propriété, etc.).
  • Les besoins d’appartenance (amour, amitié, appartenance à des groupes, intimité, etc.).
  • Les besoins d’estime (estime personnelle, de reconnaissance de la part des Autres, respect…).
  • Les besoins d’accomplissement (se détendre, bien manger, prendre le temps de lire, se faire masser).

Le passage à un niveau de besoins se fait quand les besoins précédents sont satisfaits.

Or quand en devenant aidant, les besoins de sécurité deviennent défaillants.

Notre édifice s’ébranle et un sentiment de vulnérabilité nous submerge. Face à l’aidance nous craignons pour la santé de notre proche, pour sa vie, nous avons peur de ne pas être à la hauteur de nos responsabilités professionnelles, de perdre notre emploi, de fragiliser nos revenus, nous angoissons à l’idée d’une certaine insécurité sociale. Nous perdons tous nos repères. Alors dans ce contexte comment s’autoriser à assouvir les besoins dits d’accomplissement comme se détendre, prendre du temps, apprécier un bon repas, sortir au théatre  etc… Nous avons tout autant conscience que prendre soin de soi est la base du bien-être physique et émotionnel, et pourtant nous n’y parvenons plus.

Pour autant prendre soin de soi n’a de sens qu’au contact de l’autre, que dans le regard de l’autre ? car l’être humain ne peut exister par lui-même. Apparence, appartenance à un groupe, statut social, tout cela peut être altéré dans l’aidance. Dans un mal être profond, l’aidant ne prendra plus soin de lui et d’autant si son proche n’est plus en capacité de « faire attention à lui, à elle ». Pourtant ce que nous traversons ne doit pas nous faire douter de notre propre valeur.

Etre aidant nous amène à guider notre proche dans son parcours médical alors pourquoi oublions en nos propres contrôles médicaux -Michèle ainsi en accompagnant son mari dans la maladie, c’est rendu compte au décès de celui-ci qu’elle n’avait plus fait de mamographie depuis 4 ans se mettant en danger elle-même. Bernard soutenant sa femme dans la maladie d’Alzheimer n’est plus allé chez le dentiste depuis 5 ans.

L’abstraction de soi a des limites. Le regard parental qui s’est posé sur nous a aussi conditionné notre capacité à prendre soin de nous, de disposer de bienveillance à notre égard… « Savoir s’occuper de soi ou se négliger dépend à la fois de notre histoire personnelle et de notre éducation, analyse la psychothérapeute Michèle Freud. La perception de soi vient des mots, des gestes et des regards perçus dans l’enfance.

Le conditionnement de notre enfance et de notre éducation détermine nos comportements : ne pas oser prendre du temps pour soi sans culpabilité, considérer que s’occuper de soi est une perte de temps. Toutes ces croyances, plus ou moins conscientes, peuvent freiner notre envie de mieux-être, d’après Michèle Freud

L’aidance nous amène à faire rejaillir des failles de notre moi le plus profond. Face à un quotidien perturbé, à la peine engendrée, à l’absence de temps, à cette course effrénée menée tout au long d’une journée, l’oubli de soi nous guette et avec lui presque une certaine malveillance envers nous-mêmes. On pense qu’on ne le mérite pas. Et à quoi bon s’autoriser du temps pour soi, quand l’autre ne va pas bien, quand l’autre ne fait plus attention à vous, quand notre autre n’est plus.

Nous connaissons par cœur les arguments « bouclier » qui justifient que l’on se néglige :« Je n’ai pas le temps de m’occuper de moi », « J’ai mieux à faire que de me prélasser dans un institut », « Qui va s’occuper de mon proche si ce n’est pas moi »…

Que se cache-t-il derrière ce si courant « je n’ai pas le temps », qui est une réalité pour les aidants mais comme pour les autres. Le plus souvent il veut dire « Je n’ai pas le droit de me faire plaisir », « Je ne le mérite pas », « Cela n’enlèvera pas ma peine » …

Face au diagnostic de son proche, à la maladie de son enfant, à la perte d’autonomie de sa mère, tous ces prétextes dissimulent une violence faite à soi-même, une agressivité contre soi.

Pour ne pas remettre en question son éducation, et risquer d’altérer l’image sacro-sainte du parent, pour ne pas ébranler les stratégies de défense qui nous ont construites, nous verrouillons les portes.

II- Actions :

S’il est plus facile de prendre soin de soi lorsque l’on a appris à s’accepter, à s’aimer, il est aussi vrai qu’apprendre à se prodiguer des soins peut conduire à mieux s’accepter et à mieux se traiter.

Alors, cela ne sert à rien de révolutionner les choses, commencer par faire de petits gestes, s’octroyer de petits moments, de petites envies, mais pour soi égoïstement, et il est important s’attarder sur le bénéfice que l’on en tire. Appréciez chacun de ces pas, de ces gestes que l’on ne conçoit rien que pour soi.

Voici quelques pistes pour y arriver et vous guider sur la voie de la réconciliation avec vous-même :

1-Aidants pas besoin de viser la lune pour atteindre les étoiles…

Prendre un petit carnet et commencer à écrire sa « whish list » de petites choses à faire, à vouloir, à ne pas faire comme à ne pas vouloir. Et écrire à la 1ère personne du présent. Cela permettra de rendre les choses plus concrètes. Et il est important que les envies soient atteignables et réalistes.

En les écrivant vous vous rendrez peut-être compte que vous êtes sans doute trop exigeant avec vous-même. Pourquoi vouloir se mettre en échec, restez réaliste !

2- « De l’attention à vos gestes, de l’attention pour vous et votre corps »

Il s’agit de se réconcilier avec soi. Réfléchissons et agissons. La moindre occasion doit vous permettre de vous réconcilier avec vous-même avec votre corps, en vous lavant, en marchant, en mangeant, en buvant du thé. Cela vous permettra d’être en pleine conscience. Faites attention aux sensations, à votre respiration. Souvent en tant qu’aidant nous agissons comme des soldats, de façon automatique or plus nous agissons en automates, plus nous oublions notre corps, et plus nous avons tendance à le négliger.

3-Rien ne sert de courir

Toute chose demande du temps. Vous ne faites pas une course. Vous devez choisir votre rythme. C’est important et faites selon vos envies, selon votre personnalité et vos besoins. Ce que vous entreprenez vous le faites pour vous.  Il n’y a qu’une seule façon de prendre soin de soi : s’écouter et respecter ses propres besoins. En tant qu’aidant souvent nous nous sacrifions, et nous oublions les activités que nous prenions plaisir à faire. Il faut renouer avec ce temps d’avant.

4-S’organiser c’est se donner du temps

Planifier est clé. Bloquer simplement un créneau dans votre agenda. Pas une demi-journée ce que votre organisation vous permet de prendre, même s’il ne s’agit que d’un quart d’heure par jour. De planifier ce temps pour vous est important. Que vous en profitiez pour appeler une amie, pour faire un peu de méditation, pour marcher, pour ne rien faire, …, cela vous appartient. Et prenez le temps d’apprécier ce que vous éprouvez.

Chaque geste, chaque moment, chaque attention que nous nous accordons est un moment de richesse qui nous permet s’apaiser intérieurement.

Bien se traiter, se considérer est clé.

 

Rédaction : Julie Costantini, responsable de la communication

 

N’hésitez pas à consulter la clé précédente, clé n°7 “Respirez” https://lacompagniedesaidants.org/respirez/